"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mercredi 14 avril 2010

CONSEILS POUR LA CREATION D’UN NOUVEAU GROUPE REVOLUTIONNAIRE PREFIGURANT LE FUTUR PARTI

DU PROLETARIAT

Il faut que le groupe, une fois créé par quelques militants pleinement convaincus de l’impéritie du capitalisme et de la barbarie de la bourgeoisie (ils sont d’ordinaire trois ou quatre), s’assure un recrutement normal, et se dote d’une activité progressivement accrue. Lorsqu’il a franchi les premières difficultés, c’est-à-dire attiré quelques unités ou quelques dizaines d’unités, LE GROUPE n’est pas encore sûr de subsister, c’est-à-dire de résister aux aléas des circonstances fâcheuses. Il luttera et réagira d’abord contre l’individualisme excessif de certains membres, qui peuvent nourrir les meilleures intentions, mais qui sont réticents à la communauté de décision et qui s’ingénient, quelquefois par simple bravade ou par originalité de tempérament, à tourner ou à violer la volonté collective. Le groupe coupera court aux divisions intestines, aux divergences de vues trop liées au différences de caractères entre les personnes et qui, en se développant, compromettraient sa stabilité et sa vitalité. Il conjurera les déviations possibles et frappera sans précipitation, mais aussi sans hésitation, ceux qui favoriseraient des intrigues et des compromissions, en trahissant la méthode marxiste. De même qu’un être humain, dans une société de déchirements, de guet-apens, et de haines, le groupe se trouve obligé de défendre sa vie contre mille embûches sans se comporter en secte fermée au monde extérieur.

Les obligations du combattant révolutionnaire

On n’a presque rien fait encore, lorsqu’on a réuni quelques individus conscients de leur devoir de classe et résolus à la lutte sociale révolutionnaire, et qu’on leur a suggéré 1’acceptation de statuts mûrement délibérés. Il importe que l’action du groupe soit réfléchie, conduite avec méthode et surtout qu’elle se manifeste en permanence. Les membres, s’ils ont un réel souci du but qu’ils se sont assignés, s’attacheront à favoriser l’altérité avec tout ce qu’elle signifie de mise en commun des capacités. Les militants doivent poursuivre en permanence, chacun, un effort de lectures diverses, afin de contribuer à l’enrichissement de la recherche interne. Un combattant pour la révolution n’a pas accompli tout son devoir vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis de son Parti, autrement dit vis-à-vis du prolétariat, s’il se contente de formules répétitives creuses. Les mots ne sont rien : les idées sont tout. Tel discours de réunion fera de l’effet sur le moment et suscitera des applaudissements. Mais, en réalité, il n’aura inculqué aucune notion nouvelle à ceux qui l’auront entendu. Comme tout membre du groupe peut et doit être appelé à un moment quelconque, à favoriser l’extension de la théorie révolutionnaire, il convient qu’il approfondisse les thèses essentielles visant à favoriser la perspective du vrai communisme. Sans doute, les combattants, obligés de travailler de longues heures durant la journée, n’ont que rarement assez de loisir pour s’approprier tous les détails de l’évolution de la crise systémique, pour analyser dans ses derniers recoins la décadence du capitalisme ; mais tout combattant conscient pour la révolution prolétarienne se doit de faire une place aussi large que possible à la réflexion politique ; il s’instruira par les moyens qu’il aura à sa portée, et qui sont plus copieux dans les librairies marginales que dans les supermarchés. Il cherchera à illustrer, par l’examen des faits quotidiens, les théories générales et abstraites qu’ont formulées les grands penseurs du socialisme ; il s’enquerra par internet de tous les événements qui se succèdent dans le monde, en se disant que rien de ce qui intéresse l’humanité ne doit lui rester étranger.

Tâche lourde et rebutante, au début, pour des personnes qui peinent de longues heures au bureau, sur les chantiers et dans les si nombreux métiers modernes de la classe ouvrière; tâche bientôt attirante et joyeusement remplie, parce qu’elle élève ces hommes et ces femmes au-dessus d’eux-mêmes, et qu’en s’assimilant peu à peu les richesses de la théorie révolutionnaire ils brisent le cercle étroit de l’horizon local, et rejoignent par la pensée les millions d’êtres qui se courbent, comme eux, sur la besogne ingrate et qui, comme eux, aspirent à l’affranchissement du genre humain.

L’émulation dans le groupe politique révolutionnaire

Cet effort mental constant, personnel si nécessaire, et en dehors duquel le communisme demeurerait réduit à une œuvre médiocre, c’est le groupe qui le stimulera, qui le provoquera, qui le dirigera. Ce groupe est un premier laboratoire d’échanges politiques et historiques, s’il apparaît aussi comme un foyer d’affirmation de la théorie et de référence pour l’ensemble du prolétariat. Comme le groupe entend assurer sa vie politique de façon régulière, il s’appliquera à inscrire à son ordre du jour les divers problèmes qui sollicitent l’attention ou l’indignation des combattants du prolétariat révolutionnaire. C’est dans les réunions hebdomadaires internes et dans les réunions publiques qu’il organisera, et où chacun apportera à la collectivité son bagage d’idées et de connaissances, qu’il préparera les armes dont les combattants useront ensuite pour la controverse et pour la bataille à une échelle plus vaste. On n’a rien fait lorsqu’on a ressassé certaines formules. Toutes doivent correspondre, dans le cerveau de ceux qui les répandent et les justifient, à des idées suffisamment approfondies et actualisées. Il ne suffit pas de dire que les luttes de classes forment le fond de l’histoire et que la lutte de classes est le principe même qui mène au communisme. Où en sont les classes sociales aujourd’hui ? Peut-on dire qu’il n’en existe que deux : prolétariat et bourgeoisie ? En quoi la classe ouvrière actuelle se différencie-t-elle de la représentation qu’on en avait au début du XXe siècle ? Cette lutte de classes est-elle une invention ringarde, une fiction du vieux socialisme, comme le prétendent nos adversaires modernistes et anarchistes qui nous accusent de préparer la révolution pour que notre parti prenne le pouvoir ? Ou devons-nous risquer de passer pour déterministes en nous bornant à constater les luttes en général, à enregistrer des grèves parfaitement inutiles, à menacer la classe dominante d’une explosion qui ne vient jamais, et à établir stupidement que la révolution prolétarienne sera issue fatalement de la régression économique capitaliste et que l’insurrection des prolétaires fera disparaître automatiquement le régime capitaliste ?

Voilà des points, entre beaucoup d’autres, sur lequel les membres du nouveau groupe révolutionnaire échangeront utilement des vues, et pratiqueront, si l’on peut dire, une réciprocité d’enseignements et d’avancées théoriques collectives.

Que doit-on comprendre par renversement du capitalisme ? Par socialisation des moyens de production et d’échange ? Le rôle du nouveau groupe révolutionnaire sera de faire toucher du doigt aux sympathisants et aux prolétaires assistant à ses réunions publiques et à ses permanences la valeur de ces projections, de dissiper les obscurités dont s’enveloppent nécessairement des termes abstraits, d’opposer les dérives de l’expérience malheureuse en Russie, telle que nous les avons combattues historiquement à travers nos ancêtres des gauches communistes italienne, allemande et hollandaise, aux nécessités de refonder inévitablement, dans un avenir prévisible, une autre façon de produire face au capitalisme déliquescent. Cette responsabilité historique pèsera de plus en plus sur ce nouveau groupe. Ce groupe ne peut prétendre devenir une petite école primaire du communisme ; nous ne pouvons plus compter sur des penseurs visionnaires. Mais qu’on ne dise point que cette besogne d’entraînement politique, qui doit être poursuivie avec méthode et reprise de temps à autre pour les derniers venus ou les variations du prurit révisionniste, serait au-dessus des tâches d’une petite organisation locale, avant sa croissance inévitable, laquelle devra être mesurée et vigilante sur le maintien des principes statutaires. Il n’est pas d’œuvre plus positive. Les hommes, les femmes, les adolescents qui répondront à l’appel du futur Parti, veulent autre chose que la viande creuse des formules apprises des divers « ismes ». Du moment qu’ils auront déjà assez libéré leur esprit pour venir dans nos rangs, ils aspireront à participer plus loin dans la création révolutionnaire permanente. Ils doivent savoir que pour changer radicalement la société il n’a jamais existe de programme tout prêt, ni électoraliste ni invariant. Même sans saisir toutes les données qu’impliquera le changement de société, ils seront amené à en comprendre les grandes lignes et les exigences intraitables face à nos ennemis.

Tout groupe est sujet à des fluctuations, à des hésitations, à des départs, à des conflits ; ces derniers ne peuvent jamais se résoudre par la violence, l’intimidation ou des méthodes d’élimination de secte. Par une solide étude des échecs de fonctionnement des groupes du passé, le nouveau groupe retiendra d’autant mieux ses membres et les rassemblera d’autant plus régulièrement à ses séances dans un esprit fraternel de réciprocité et de solidarité.

Tous les membres du groupe s’emploieront à cette entreprise dans la mesure de leurs forces. Il ne faut pas que ce soient toujours les mêmes qui parlent et les mêmes qui écoutent. Si certains sont plus qualifiés pour développer des théories générales et analyser tel point théorique plus spécialisé, tous peuvent et doivent trouver dans la politique quotidienne, des exemples à citer, des anecdotes qui viendront illustrer telle ou telle affirmation doctrinale et prêter matière à développement nouveau.

LE CŒUR DU GROUPE REVOLUTIONNAIRE

Au bout de quelques mois, le groupe qui aura généré de la sorte une cohésion de ses adhérents, qui se sera approprié l’essence même d’une vivante activité de groupe révolutionnaire, aura préparé d’excellentes semences pour le futur Parti du prolétariat universel. Ce qui manque le plus souvent, ce ne sont point les bonnes volontés, c’est souvent l’assurance de parler non point en son nom propre mais pour l’organisation. L’expérience prouve, par la nomination aux tâches d’intervention orale que le plus timide des combattants finit par ne plus être déconcerté par une interruption de l’adversaire, car ayant été plusieurs fois pris de court, il s’est aguerri de lui-même, n’est plus surpris par aucune des banales objections les plus courantes, et s’aperçoit qu’il possède un arsenal d’arguments suffisant pour porter la conviction dans les cerveaux des spectateurs du débat. Lorsque cette petite phalange de combattants modernes du communisme absolument nécessaire sera ainsi formée, le rayonnement, quelles que soient les difficultés des interventions diverses, s’accomplira de lui-même. Encore convient-il que ceux qui ont reçu le mandat, éligible et révocable, de centraliser et coordonner la vie du groupe, s’acquittent exactement de leur mission. Et ici apparaît le rôle du collectif exécutif (CE) et de la commission de trésorerie.Direction et administration du groupe. Le C.E. n’est qu’un délégué de l’organisation et ne mène pas une discussion politique particulière séparée de celles du groupe. L’argent collecté provient exclusivement des cotisations des combattants et des dons des sympathisants ; toute donation d’argent d’origine douteuse ou exagérée de dons est rigoureusement proscrite.

Le C.E., puis les commissions similaires qui apparaissent naturellement avec un fort développement du groupe, ont à charge de convoquer les adhérents, de préparer l’ordre du jour, de veiller au bon déroulement des interventions extérieures. Il faut éviter de placer des personnalités intempestives ou caractérielles dans ces fonctions, mais des personnes pondérées mais dynamiques, mais motivées par le souci très vif de faire toutes choses en leur temps et sans le moindre retard. Il dépend de ce type d’organisme centralisateur dans la plus large mesure que le groupe prospère ou que le groupe périclite. Que l’organe central néglige, en effet, de lancer les convocations à l’heure dite ou de se procurer la salle de réunion, les membres se lasseront bientôt. Ils viendront plus rarement à des assemblées, qui se tiennent dans de fâcheuses conditions, l’effectif se dispersera ; toute ardeur fléchira. Que si, au contraire, l’organe centralisateur s’attache à épargner à ses camarades, tous les petits ennuis matériels qui peuvent gêner un labeur suivi et régulier, ils prendront si bien l’habitude de se rencontrer à jour fixe, que cette habitude leur deviendra un besoin. Dans tout groupe, il est, au demeurant, des adhérents plus actifs, plus assidus que d’autres. Le petit noyau de personnes qui disposent de loisirs plus certains, ou qui apportent, plus de dévouement à la propagande, feront tous leurs efforts pour insuffler aux autres l’ardeur qui les anime. À la préparation de l’ordre du jour est subordonnée, pour une grande part, le succès des réunions. Et c’est le rôle du secrétaire de séance de l’organe centralisateur de porter, à cet ordre du jour, outre les conférences éducatives dont le sujet a été arrêté à l’avance, outre les débats d’administration intérieure qui s’imposent par intervalles, les questions d’actualité immédiate, qui passionnent plus naturellement la masse des combattants. À cet égard, une réelle liberté d’initiative doit être concédée à l’organe centralisateur.

Mais il ne suffit pas que le groupe discute et prenne des décisions. Il importe, pour son prestige et son accroissement mêmes, que ces décisions soient connues au-dehors. Le CE assurera cette publicité en plaçant sur Internet le texte des motions votées ou en usant de tout autre moyen autorisé. Le groupe ne se réunit pas seulement pour éclairer ses membres et leur permettre d’échanger leurs vues, il est un organe de propagande et d’action et ni cette propagande, ni cette action ne s’exerceront efficacement, s’il délibère toujours en secret, s’il ne tâche pas, en toute occasion, de signaler son existence aux prolétaires qui lisent Internet.

La discipline dans le groupe politique révolutionnaire

C’est à une discipline librement consentie que se règlent les adhérents d’un groupe. Chacun d’eux a le droit de défendre, dans les réunions, et par les arguments qui lui conviennent et qui lui paraissent les plus persuasifs, ses vues propres. La liberté de discussion est entière, et il n’est aucun point de la méthode marxiste, aucune mesure de la traditionnelle tactique qui ne puissent être étreints par la controverse. Le groupe révolutionnaire n’a pas de dogme schématique ; il est au suprême degré méthodique et réaliste, c’est-à-dire que si à un moment quelconque les données qu’il considère comme logiquement prouvées étaient convaincues d’erreur, il les abandonnerait ou les corrigerait. Il ressemblerait à une secte, s’il s’interdisait de soumettre à une critique continuelle les assertions qui lui semblent les plus solides, et il n’est point une oligarchie figée dans la contemplation d’une hiérarchie. Il procède par raisonnement et non par acte de foi. Tout individu est qualifié pour prendre la parole et opposer ses conceptions à celles qui ont prévalu même de longue date. Ce qui prouve au surplus que la pensée de la théorie pour le communisme n’est nullement arrêtée à jamais, c’est qu’elle cherche toujours à s’enrichir, à se développer, à se préciser et que les congrès nationaux et internationaux qui auront lieu au moment du passage à la forme parti ne reporteront pas non plus sans cesse les mêmes questions sur chantier.

La discipline consiste dans l’obéissance provisoire en quelque sorte aux décisions adoptées par la majorité. Ces décisions peuvent et doivent d’autant mieux être suivies, que d’une part, elles sont sujettes à rectification et que, de l’autre, elles ne sont pas inspirées d’en haut par une oligarchie plus on moins tyrannique ; elles sont l’expression la plus exacte de la volonté collective, le résultat du libre choix d’une masse d’hommes complémentaires.

Si la discipline, telle que nous la définissons, n’existait pas, on se demande comment resterait possible une action commune. Dans tout groupement humain, l’individu doit, en principe, subordonner ses manifestations personnelles aux préférences de la majorité. Cette règle comporte à coup sûr des exceptions, et la personnalité ne saurait accepter certaines violations de son libre-arbitre ou de sa dignité, violations qui entraîneraient une diminution pour le groupe lui-même, mais ces exceptions sont rares et ne peuvent se déterminer par avance. Lorsque les deux tiers ou les trois cinquièmes des ouvriers affiliés à un syndicat ont voté la grève, tous les syndiqués doivent chômer ; ceux qui se soustrairaient directement à cette prescription apparaîtraient comme autant de traîtres. Il en va de même dans le groupe socialiste, ou dans la section, pour des décisions d’un autre ordre.

La lutte de classe est à la base de l’action communiste révolutionnaire, tout membre qui contesterait la réalité de cet antagonisme des classes, serait un transfuge de l’anarchisme libéral. Si la liberté lui était laissée de soutenir à cet égard la thèse bourgeoise de la fusion ou de la conciliation des catégories sociales, on aurait ce singulier spectacle de combattants communistes venant briser de leurs propres mains les armes intellectuelles du prolétariat. Cette discipline n’a rien de pénible, ni d’oppressif. L’homme, qui adhère à un groupe, fait forcément le sacrifice de sa fantaisie. Il n’abandonne pas sa personnalité, il accroît en échange et de beaucoup cette personnalité, en s’instruisant par le contact d’autrui et en joignant ses efforts à ceux de ses camarades de combat. Il n’est pas vrai que l’individu soit d’autant plus vigoureux qu’il est plus isolé. L’individualisme contemporain, après la Seconde Guerre mondiale, a fait table rase de la solidarité de classe, et n’est plus qu’une utile contribution l’asservissement des foules consentantes, en affranchissant le capitalisme par ce culte pervers de l’individu, non pas libre mais aliéné.

Au surplus, c’est sans brutalité qu’il sied de faire prévaloir la discipline. Dans tout groupe, à côté des jeunes membres récemment admis, il y a d’anciens militants. C’est à ceux-ci qu’incombe le soin, en usant de la modération, du tact qui se concilie fort bien avec la fermeté, de rappeler à l’ordre ceux qui risqueraient de s’égarer. Rien n’est plus nécessaire que la cohésion entre prolétaires qui se réunissent pour s’instruire et pour poursuivre la lutte en commun. L’indiscipline rompt cette cohésion, et comme telle, elle mérite d’être arrêtée, réfrénée à temps, mais les sanctions trop sévères et trop soudaines peuvent, elles aussi, compromettre la stabilité et l’union. Tout ce qui froisse la dignité individuelle sera écarté avec soin. Dans la plupart des cas, une parole heureusement placée, une évocation motivée des principes du groupe suffira, au moins à l’égard de membres bien intentionnés, pour conjurer une déviation. Beaucoup de fautes sont accidentelles, et ceux qui les commettent les regrettent, dès qu’on leur signale leur tort. On se gardera de transformer en révolte ouverte contre l’organisation tout entière ce qui sera une omission, une négligence, une peccadille.

Contre les divisions récurrentes ou malveillantes

Le groupe évitera surtout que des froissements, des querelles ne s’élèvent entre ses membres. Rien n’est plus dangereux que ces divisions intérieures, dont la gravité, au lieu de s’atténuer avec les jours, va d’ordinaire grandissant. Des clans se créent, des fractions surgissent. L’intérêt général est relégué au second plan, ou mieux l’on n’y pense plus. Tous les membres finissent par prendre parti ; ceux mêmes qui, au début hochaient la tête en disant : « ce sont là débats ridicules et indignes d’hommes qui pensent et qui s’adonnent à une œuvre d’affranchissement », sont entraînés à se classer par la force des choses. Ou bien alors, ils délaissent les réunions, qui n’offrent plus l’aliment requis par leur intelligence, et qui se clôturent par des échanges d’invectives. Les nouveaux venus, qu’attiraient l’espoir d’une conscience politique plus intense, la promesse de discussions élevées et désintéressées, ne tardent pas à se retirer irrités, déçus, découragés par le triste spectacle qu’ils ont sous leurs yeux. Chacune des fractions s’ingénie à obtenir, par quelque moyen que ce soit, l’avantage sur la fraction adverse. On en viendra aux pires stratagèmes. Les salles se vident ; les détracteurs du marxisme s’emparent des litiges, qui se sont produits, pour les envenimer, pour discréditer tout le groupe ou simplement son organe centralisateur, pour le présenter comme un ramassis de comploteurs, soucieux uniquement de leurs places, de leur réputation, et il arrive que par la faute de quelques-uns qui ne sont pas plus mauvais que d’autres, mais qui ne savent pas maîtriser leurs sentiments, tout l’esprit de fraternité déjà établi est brusquement, brutalement anéanti. Souvent, il faudra de longs mois, des années même pour réparer le mal, en admettant qu’il apparaisse réparable.

Lorsqu’on reprend l’histoire de la classe ouvrière à travers ses diverses formations de combat, on se rend compte qu’à maintes reprises, elle a été victime déjà de ces divisions savamment entretenues par des arrivistes petits bourgeois. Que de groupes ont dû se dissoudre au lendemain d’une époque faste, parce que des difficultés minimes d’abord, et peu à peu grossies par la maladresse ou par la malveillance, surgissaient, encombraient les ordres du jour, accaparaient tout le temps disponible ! Que de militants sérieux, convaincus, prêts à consacrer leur vie au projet communiste, se sont perdus dans la nature, condamnés à l’isolement, parce qu’ils ne voulaient point être mêlés à des polémiques absurdes ou à des querelles sans fin d’individus. Le plus simple, lorsque naît une querelle entre deux ou plusieurs membres, ou entre des membres et le groupe, est de la liquider au plus tôt. Les statuts sont assez explicites à ce sujet pour qu’on y trouve tous les moyens de règlement nécessaires. La méthode d’ajournement, de temporisation est la plus fâcheuse en la circonstance. De même qu’en présence de certaines affections morbides qui s’attaquent au corps humain, l’intervention immédiate du chirurgien s’impose sans conteste, et constitue l’unique mode de salut, de même devant les luttes intestines, devant les schismes naissants, il n’y a point un instant à perdre. L’arbitrage, qui sera établi sans retard, évitera de graves déchirements ; il conjurera des dislocations de forces qui ruineront une besogne laborieusement conduite. Enfin, il ne faut jamais oublier que la vie extérieure du groupe révolutionnaire est étroitement subordonnée à sa vie intérieure; elle en exprime les vicissitudes, les progrès et les déclins.

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