"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 25 août 2012

TUNISIE : LE POUVOIR CONTROLE LES SALAFISTES



Malgré une dramatisation intentionnelle de la presse bourgeoise occidentale, les carottes ne sont pas cuites en Tunisie pour les salafistes. Cette mouvance est équivalente au FN en France, mais constituée de jeunes  sectaires et non de grabataires comme dans la maison Le Pen. Le président tunisien est bien considéré de la population et a pris ses leçons politiques en Occident. Il a compris l’intérêt de l’agitation au niveau « extrémiste » hors du gouvernement. Les exactions des salafistes servent à conforter le gouvernement, et la menace d’alourdir la pression par des lois coraniques (qui ne verront pas le jour, fait le reste.
Contrairement aux commentaires affolés, le tourisme a fait le plein encore une fois cet été en Tunisie.  Et les femmes vont conserver leurs droits parce que c’est le pays d’Afrique du  nord où existe et combat une véritable classe ouvrière. Bien que faible, l’article suivant du Point frôle la réalité.
JLR

Le Point.fr - Publié le 24/08/2012 à 19:45
Les "modérés" d'Ennahda restent étrangement silencieux face aux violences commises par les islamistes radicaux. Décryptage.
Si l'année 2011 a été marquée en Tunisie par la victoire électorale du parti islamiste Ennahda, 2012 semble placé sous le signe des violences salafistes. Débarrassés du joug de la dictature du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, ces islamistes radicaux sèment depuis près d'un an la terreur dans la Tunisie nouvelle. Sit-in dans les universités, commissariats caillassés, chaînes de télévision assiégées, expositions annulées..., ils dictent leur propre loi au nom de l'atteinte au sacré. Des incidents étonnants dans un pays que l'on disait à la pointe de la modernité arabe.
"Les salafistes existaient sous Ben Ali", rappelle Vincent Geisser (1), chercheur spécialiste de la Tunisie à l'Institut français du Proche-Orient de Beyrouth. "Alors qu'il a fermement combattu les djihadistes, au nom de la lutte contre le terrorisme, Ben Ali n'a pas inquiété les salafistes, qui se voulaient apolitiques, au contraire des islamistes (aujourd'hui réunis sous la bannière d'Ennahda, NDLR). Des villes comme Bizerte ou Menzel Bourguiba voient se développer un réseau souterrain de prédication littérale de l'islam, à l'aide de DVD fournis "sous le manteau" grâce à la présence de commerçants ultra-radicaux. Les chaînes satellitaires saoudiennes se chargent du reste. Frappés par la crise économique, de nombreux jeunes sont séduits.
Refuge face à la dictature
"Même si elle reste massivement laïque, une partie de la jeunesse tunisienne s'est réfugiée dans le salafisme sous Ben Ali", explique Vincent Geisser. "Dans un contexte de musèlement de la liberté d'expression, cette doctrine constituait un véritable abri", ajoute-t-il. La révolution du Jasmin va bouleverser la mouvance. La chute de Ben Ali va s'accompagner d'une amnistie générale des opposants politiques, permettant aux cadres salafistes, exilés jusqu'ici en Europe, de revenir s'installer en Tunisie. Suivant l'exemple des salafistes d'Égypte, le mouvement décide de rentrer en politique. "Les salafistes ont vu là une opportunité historique d'accéder à leur but ultime : la création d'un État islamique", explique au Point.fr le sociologue Samir Amghar (2), spécialiste du salafisme.
Ils se démarquent ainsi des islamistes modérés d'Ennahda, qui défendent, d'après eux, une vision trop progressiste de l'islam, et - sacrilège - s'allient à des partis laïcs pour accéder au pouvoir (les deux partis de centre gauche du Congrès pour la République et d'Ettakatol, NDLR). Pour les salafistes, le concept de démocratie est insoluble dans une société islamique. Pour se faire entendre, ils multiplient les opérations coup de poing. Un Français vient d'ailleurs d'en être victime. Jamel Gharbi, conseiller régional socialiste des Pays de la Loire, a indiqué mercredi avoir été roué de coups par des militants islamistes radicaux. Tandis qu'il se promenait jeudi soir, en compagnie de sa femme et de sa fille de 12 ans, dans le quartier du port de Bizerte, ville dont il est originaire, il a été violemment pris à partie.
Un Français attaqué
"Nous avons croisé un groupe d'une cinquantaine de salafistes qui les ont agressées verbalement en raison de leurs vêtements d'été, qui n'avaient pourtant rien de choquant", raconte-t-il à l'AFP. Après avoir crié à ses proches de s'enfuir, il affirme avoir vu les agresseurs se ruer sur lui et le "frapper à coups de matraques et de gourdins". "Personne ne m'a secouru", insiste-t-il. "Je n'ai dû mon salut qu'au fait que j'ai réussi à m'enfuir. Si j'étais tombé à terre, ils m'auraient lynché." L'incident s'est produit en marge du festival de Bizerte, qui a lui aussi été pris pour cible par des militants radicaux.
Armés de bâtons et de sabres, 200 d'entre eux ont attaqué, le 16 août dernier, un évènement organisé dans le cadre de la "Journée al-Aqsa", faisant cinq blessés. Étonnamment, les critiques des organisateurs ont visé la police qui, selon eux, aurait attendu une heure avant d'agir. En tout cas, les quatre salafistes qui ont été arrêtés au moment des heurts ont tous été relâchés une semaine plus tard. Autre élément troublant, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues non plus dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, lorsque des centaines de salafistes ont pris d'assaut une quinzaine de maisons de Sidi Bouzid, ville symbole du Printemps arabe où s'est immolé Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010.
Double jeu
Fin juillet, le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi, avait expliqué chercher le dialogue avec les salafistes, afin de ne pas retomber dans "l'oppression, la torture, l'emprisonnement" qui caractérisaient le régime de Ben Ali. "Les chasser et les pourchasser ne fera qu'augmenter leur exclusion et radicaliser leur engagement", avait-il ajouté, selon l'AFP. Tolérance ou complicité ? Pour sa part, Vincent Geisser préfère parler de "stratégie populiste identitaire". "La position du gouvernement, aux mains d'Ennahda, est loin d'être homogène", souligne le chercheur.
Ainsi, "si le ministère de l'Intérieur aimerait de son côté répondre fermement aux violences, d'autres comme le député Sadok Chourou plaident pour une intégration des salafistes au parti. Là-dessus, Rachid Ghannouchi adopte une position médiane, dans le but de récupérer l'électorat salafiste dont une partie a voté pour Ennahda lors des dernières élections", analyse le spécialiste de la Tunisie. Pour le sociologue Samir Amghar, il existerait en réalité une vraie collusion entre les deux partis islamistes.
"Les dirigeants d'Ennahda, étant au pouvoir, sont forcés de tenir un discours modéré en public", rappelle-t-il. "Mais en interne, une bonne partie d'entre eux sont d'accord avec les thèses salafistes." Dans cette stratégie, les salafistes seraient chargés de réaliser en sous-main la "sale besogne". "Les salafistes font pression sur la sensibilité musulmane de l'opinion publique tunisienne, afin de créer un rapport de force en faveur d'une islamisation de la société", estime le spécialiste de la mouvance. Cela pourrait expliquer pourquoi, le 1er août dernier, Ennahda a déposé à l'Assemblée nationale constituante un projet de loi... punissant l'atteinte au sacré.
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Par Armin Arefi
 
 (1) Vincent Geisser, auteur de Dictateurs en sursis et coauteur avec Michaël Béchir Ayari de Renaissances arabes (Éditions de l'Atelier)
(2) Samir Amghar, auteur de Les islamistes au défi du pouvoir (Éditions Michalon)

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