"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 14 janvier 2012

UNE CATASTROPHE SI PEU INATTENDUE



« Si on perd le triple A je suis mort » N.Sarkozy


Tout le monde s’y attendait depuis une poignée de mois, même les prolétaires, pas seulement M.Jorion (qui était moqué sur les plateaux TV) : « Au mois d’octobre 2011, les français ont appris non seulement qu’ils allaient devoir mettre la main au portefeuille et renflouer, une fois de plus, une banque, mais aussi que les folies de leurs dirigeants allaient peut-être conduire le pays à perdre son triple A, la meilleure note financière qui permet de s’endetter à bon compte sur les marchés financiers. Cette banque qui coûte cher, c’est Dexia » (cf. L’oligarchie des incapables » de Sophie Coignard). La droite au pouvoir tente de minimiser, tel un petit restaurant (plus le Fouquet's...) la perte d'une étoile, mais ces petits caïds bourgeois ne peuvent atténuer leur responsabilité: la dette publique est de1690 milliards d'euros, soit 85,3% du Pib, contre 64,2% en 2007!

La crise capitaliste à répétition, avec la perverse dégradation de la note des pays du sud de l’Europe, en premier lieu la France, fait penser à un film longuet, passablement ennuyeux, où l’intrigue entre acteurs incapables n’est pas bien difficile à comprendre, mais où le spectateur ne cesse de se demander : « mais quand viendra le mot fin ? ».
Film en 3 épisodes jusqu’à présent : 1. En 2008 les Etats comblent les déficits des banquiers truands, 2. En 2011, les banques pleurent à nouveau misère mais les Etats plongent à leur tour, 3. La crise devient politique.

La commission européenne a mis du temps à regretter la « décision aberrante de Standard&Poors » (à une heure du mat du samedi), agence de notation sise à… New York, dans ce pays dominant qui n’avait jamais été dégradé depuis… 1917. Un vendredi 13 janvier qui renvoie donc superstitieusement à un autre symbole inquiétant pour la bourgeoisie : la grande révolution d’Octobre !

Comme dans une compétition sportive truquée, le film de la crise n’avait pu cacher le recours aux stéroïdes anabolisants, le dopage avec des brassées de milliards fictifs introuvables des économies européennes en manque. Peu avant l’annonce de la dégradation de la note pour la France, dans la journée du même 13 janvier avait été annoncée, comme un banal fait divers, la rupture des négociations entre le gouvernement grec et les banquiers voleurs ; l’arbre grec qui avait caché si bien un moment la forêt de la crise, n’étant plus considéré que comme un épisode sans importance.

Le déguisement de successifs « recours de la dernière chance » des « sommets européens » ne fut qu’un dopage politique minable qui avait fustigé un « manque de rigueur » de l’agence Standard&Pools le 10 novembre 2011, date à laquelle la société aurait annoncé « par erreur » à certains de ses abonnés que la "note" de la France était déjà dégradée alors qu'il n'en était rien…officiellement, entrainant une réaction aussi orgueilleuse qu’impuissante de l’entité de papier nommée Autorité européenne des marchés financiers. Le déguisement depuis deux mois se transforme brutalement en dégrisement. Les marchés financiers s’affolent, les Bourses chutent, l’euro perd 0,1% (avec une dramatisation outrancière de journaux comme Le Monde, qui agitent le mot effondrement comme s’il s’était agi de 10%). L’exagération dans les commentaires est à la mesure de l’affolement qui gagne la bourgeoisie européenne mais en premier lieu la bourgeoisie française. Les virevoltes de l’agence newyorkaise ne sont pourtant qu’un simple chantage du pays hôte de cette agence (qui s’est bien moqué de sa propre dégradation). Ce chantage signifie aux européens : empruntez oui mais à nos créanciers. Sous la polémique autour des trois A, se cache la rivalité des grandes puissances, qui n’est pas platement économique.
Il est remarquable que les réactions immédiates sur les plateaux TV de la bourgeoisie, laissent place à une foire d’empoigne : la gauche bourgeoise accuse « l’incapable Sarkozy », quand la droite accuse la crise généraliste. En réalité, parallèlement à la désindustrialisation du sud de l’Europe (et au bla-bla sur le constat que les usines sont en Chine), les manipulations financières dans chaque pays (cadeaux fiscaux en France, etc., comme les tricheries en Grèce) sont responsables au deux tiers de la catastrophe ; 70% des dettes françaises sont à l’étranger… Il n’y a que tricheries nationales et « la faute aux autres » a du plomb dans l’aile.
Premier touché, le prétendu « refondateur du capitalisme », chantre d’une Europe moisie derrière la prétendue locomotive franco-allemande, le gesticulateur Sarkozy, si bien caricaturé comme simple chambellan de Mme Merkel. Alignée derrière son porte-voix, comme un seul homme malade, la bourgeoisie française qui avait prétendue sauver les meubles en dégraissant la fonction publique et en attaquant les retraites (solidement aidée par tous les appareils syndicaux), osa même faire dire à son porte voix qu’il n’était nullement question d’appliquer l’austérité. « Pas de programme de rigueur » en vue chez nous racontait chaque ministre perroquet quand la rigueur s’abat de manière croissante depuis 2007 en totale impunité contre la classe ouvrière. Pire les attaques contre les retraites ont été insuffisantes et le gouvernement (puis son successeur) devra recommencer à les mettre en cause et casser les salaires, sous la loi impitoyable du MAINTIEN du profit; même si les bourgeois français tentent de freiner jusqu'aux élections, UNE CONFRONTATION SOCIALE DURE APPARAIT INEVITABLE.
Un vieux bourgeois secondaire comme Madelin en était réduit, hier soir sur i-TV à espérer en trois candidats : Bayrou, Sarkozy ou Hollande, pour, quel que soit l’élu il fasse preuve d’imagination… en donnant encore plus de prérogatives au… privé. Seul, l’un des chiens de garde du Figaro Y.Thréard, le Thénardier de service, leva un coin de l’auto-dopage politique : « la principale conséquence, je le crains, connaissant la propension des français à manifester, risque de se trouver dans la rue » ! Bien dit !

En effet, face à la crise sociale que va engendrer l’application implacable de l’austérité (chômage massif, nouvelle réduction des salaires et nouvelle attaque sur les retraites) c’est autour de ces trois mafias dominantes que la bourgeoisie va tenter de resserrer les rangs et de préserver l'argenterie. Les autres particules ne sont plus que des zéros pointés ; les écologistes avec leurs micmacs à répétition (magouilles et violences internes, débilité de leur candidate et du programme écolo avec éoliennes qui polluent et panneaux solaires fabriqués en Chine..) ; le programme chiffré n’importe comment et ahurissant du FN, et les comiques du Front de gauche et leurs concurrents dérisoires de l’extrême-gauche ne sont que pantalonnades de figurants.

L’ALLEMAGNE TOURNE LE DOS A L’EUROPE ET AUX ETATS UNIS

L’année électorale franco-américaine commence très mal, les Obama et Sarkozy risquent bien de prendre une retraite prématurée pour leur ego. Mais derrière ces figurants de palais d’une bourgeoisie aux abois, les intérêts impérialistes s’aiguisent. Toute la propagande pour les gogos français reste focalisée sur les agences de notation(comme si la Bourse était accusée d'être un méchant thermomètre). Or, bien qu'hyper-endettée elle-même, l'Allemagne pose de plus en plus ses conditions avec une bourgeoisie française à la remorque. On nous a seriné il y a quelques mois que "les allemands ne voulaient pas payer pour la Grèce"... ni donc pour l'Espagne ou la France. Pourquoi l'Allemagne refuse-t-elle que la BCE livre des fonds de secours? Parce qu'elle a les moyens de faire cavalier seul, dans le cadre d'une redéfinition des blocs impérialistes, opaque et tue au public. Le ministre des finances allemandes a été compatissant, voire méprisant, face à l'abaissement de la note française.
Personne ne semble s'interroger sur ce cirque superficiel autour des trois A, ni sur qui contrôle et planifie les annonces des agences de notation. Qui a intérêt à ridiculiser le couple franco-allemand? Qui a intérêt à ce qu'il se dégrade? Si les Etats Unis ont tergiversé avant de laisser dégrader l’Europe (ou d'assister impuissants à cet abaissement), c’est face à la concurrence avec la Chine, l’Allemagne et la Russie. L’Allemagne a longtemps joué double jeu – le radotage sur la vieille amitié depuis les De Gaulle et Adenauer étant pourtant une pièce de musée – et manifeste en réalité depuis longtemps sa volonté d’être à nouveau la maîtresse de l’Europe ; et la maîtresse actuelle, en l’occurrence Mme Merkel, pourra tôt ou tard laisser la place à un vrai maître, comme le craignent déjà les bobos allemands. Est-ce que j'exagère en disant que le couple franco-allemand uni restait dans l'orbite américaine? Ou ne suis-je pas plus près de la réalité en remarquant qu'un cavalier seul de l'Allemagne, tournée vers le marché à l'Est, milite pour la constitution d'un bloc anti-américain?
La prospérité « exemplaire » de l’Allemagne n’est basée pourtant elle aussi que sur la tricherie. La bourgeoisie allemande, avec un lourd niveau d'endettement, n’a pas eu jusqu’ici à entretenir un budget pesant des armées, et elle fait fabriquer ses inventions à proximité, à faible coût, en Tchécoslovaquie et en Russie. Mieux encore, sa collaboration avec la bourgeoisie russe s’intensifie, et lui permet d’envisager contrôler le pétrole et le gaz russe.

En tout cas, en France, toutes les fractions bourgeoises de droite à gauche, nous font pisser de rire avec cette histoire de "retrouver la croissance", alors qu'ils sont tous incapables de fournir du travail à une masse exponentielle de prolétaires volontaires, eux, pour une croissance meilleure de leur niveau de vie, mais qui vont devoir se résoudre à une croissance de la colère politique contre les profiteurs incapables; si la petite bourgeoisie cesse de croire à l'utilité des élections représentatives et si les ouvriers cessent de se laisser diviser par les syndicats, partis de gauche caviar, stalinienne et le FN avec des solutions nationales branquignoles, désuètes et... incapacitantes (retour du franc, fermeture des frontières, bla-bla anti-riches, etc.).

MARX REVIENT AU GALOP

Paul Mattick junior, déjà vieux conseilliste écologiste, avait remarqué en 2011, avec ses bribes de marxologie, ce qui mine la capitalisme depuis sa naissance, malgré l’exaltation de courtes embellies par les gauchistes défroqués et transfuges : « Un trait remarquable des commentaires sur les actuels ennuis de l’économie est que, malgré ses références constantes à la Grande crise des années 30, ainsi qu’aux nombreuses récessions survenues depuis la Deuxième guerre mondiale, on n’a peu parlé du fait que les crises sont la marque récurrente de l’économie capitaliste depuis la révolution industrielle. Pourtant même l’examen le plus succinct de l’histoire montre que les événements récents sont loin d’être inhabituels. En réalité, depuis le début des années 1800 jusqu’à la fin des années 1930, le capitalisme a passé entre le tiers et la moitié de son histoire en crise (selon la façon dont les différentes autorités les datent), crises qui sont allées en s’aggravant régulièrement jusqu’à La Grande crise de 1929. Ce n’est que la faible profondeur des crises qui ont eu lieu depuis la dernière guerre qui ont fait naître l’idée que le capitalisme ne connaîtrait plus les hauts et les bas caractéristiques de ses premières cent cinquante années d’existence comme forme sociale dominante. Le choix de la théorie économique semblait se placer entre l’idée néolibérale du capitalisme comme système capable de s’autoréguler et la conception keynésienne d’une l’économie contrôlable par des manipulations étatiques. L’insuffisance des deux points de vue démontrée par les événements économiques actuels appelle un autre regard sur la dynamique à long terme du système capitaliste. (…) Malgré leurs traits singuliers, la Grande crise et la reprise de l’économie capitaliste après 1945 suivirent, dans les grandes lignes, le schéma établi lors des précédents épisodes d’effondrement et de régénération de l’économie. La crise fut longue et le niveau de destructions physique et économique du capital anormalement élevé (surtout pendant la guerre sur laquelle elle déboucha). Il n’est donc pas surprenant que la reprise amena une période de prospérité, qui dura jusqu’au milieu des années 1970, et que les économistes baptisèrent Âge d’or du fait de sa durée et de son ampleur. L’absence relative de récessions graves pendant ces années était due à la poursuite dans la période post-crise de ce qu’on désigna sous le nom de méthodes keynésiennes : la proportion des dépenses étatiques par rapport au PNB des pays de l’OCDE passa de 27 % en 1950 à 37 % en 1973. Aux Etats-Unis, comme l’a noté Joyce Kolko en 1988, « près de la moitié des nouveaux emplois créés après 1950 le furent grâce aux dépenses d’État, et une évolution analogue se produisit dans les autres pays de l’OCDE ».
L’idée de Keynes était que les États devaient emprunter de l’argent en période de crise pour faire repartir l’économie ; quand le revenu national augmentait par voie de conséquence, les impôts qui le frapperaient pour rembourser la dette ne l’affecteraient guère. En réalité, la gestion des crises se transforma en une « économie mixte » État-privé permanente. Quand l’Âge d’or prit fin définitivement au milieu des années 1970, l’augmentation énorme des dépenses publiques qui évita un retour des conditions de la crise constitua un pas de plus vers le déficit de plus en plus problématique d’aujourd’hui. La raison même de l’augmentation des dépenses de l’État — l’insuffisance des profits — rendit impossible le remboursement de la dette d’État qui en était résultée.

"Pendant ce temps, la dette publique s’accompagna de l’augmentation vertigineuse de la dette des entreprises et de la dette privée, rendant possible la prospérité apparente des vingt dernières années. Les promesses de payer un jour, dans l’avenir, prirent la place de l’argent que l’économie capitaliste ralentie ne parvenait plus à produire. Étant donné que les États, les entreprises et, dans une mesure toujours croissante, les individus empruntaient des fonds pour acheter des marchandises et des services, la dette publique, des entreprises et des ménages apparut dans les bilans des banques et des autres sociétés dans la colonne des recettes. Mais le remboursement des dettes exige de l’argent produit par une production rentable et la vente de biens et de services. Or, comme l’observé Robert Brenner, professeur d’histoire à l’UCLA :
« Selon les indicateurs macroéconomiques standards, entre 1973 et aujourd’hui, la performance économique des Etats-Unis, de l’Europe occidentale et du Japon s’est détériorée, de cycle des affaires en cycle des affaires, de décennie en décennie (à l’exception de la deuxième moitié des années 1990). Tout aussi parlant, pendant la même période, l’investissement en capital à l’échelle mondiale et dans toutes les régions en dehors de la Chine, en incluant même les pays d’Asie du Sud-Est [nouvellement industrialisés] depuis le milieu des années 1990, a régulièrement diminué. »
Le résultat, ce fut, grosso modo, la réapparition en 2007 de la crise évitée dans les années 1970.
Quand l’éclatement de l’énorme bulle américaine des prêts immobiliers en 2007 déclencha la crise mondiale, les gouvernements centraux se retrouvèrent pris entre le besoin de maintenir le système en état de marche en injectant de l’argent dans les établissements financiers « trop gros pour faire faillite », le soutien des gouvernements locaux et la « stimulation » de l’économie privée d’une part, et la nécessité impérieuse de limiter l’augmentation de la dette publique avant qu’elle n’atteigne le point du défaut de paiement de grande ampleur. Les Etats-Unis avaient une dette de 16 milliards de dollars en 1930 ; elle atteint aujourd’hui 14 mille milliards de dollars et elle continue à monter. La dette fédérale représentait déjà 37,9 % du PNB en 1970. Quand en 2004 le FMI signala que la combinaison du déficit du budget de l’Amérique et du déséquilibre croissant de sa balance commerciale menaçait « la stabilité financière de l’économie mondiale », elle atteignait 63,9 %. Les appels mondiaux des patrons et des politiciens à des réductions des dépenses publiques, aussi exagérés qu’ils soient par l’idéologie néolibérale, marquent la reconnaissance d’une nouveauté par rapport aux années 30 : le fait que la carte keynésienne a été largement jouée.
En conséquence, bien que le capitalisme actuel soit par bien des aspects une version très transformée de la forme qu’il avait au XIXe siècle, cette transformation n’a pas entraîné de diminution des problèmes systémiques diagnostiqués par les critiques de cette époque. Au lieu de cela, elle les présente sous de nouvelles formes. En fait, la crise se profile à l’horizon a des chances, entre autres, d’être plus terrible que les grandes crises de 1873-93 et de 1929-39. La poursuite de l’industrialisation de l’agriculture et de l’urbanisation de la population — en 2010, on a estimé que plus de la moitié des habitants de la planète habitait dans des villes — a rendu de plus en plus de gens dépendants du marché pour se fournir en nourriture et satisfaire leurs besoins essentiels. L’existence à la lisière de la survie ou au-delà de cette limite vécue par les masses urbaines du Caire, de Dakka, de Sao Paulo et de Mexico aura un écho dans les pays les plus avancés sur le plan capitalistique, du fait que le chômage et l’austérité imposée par les gouvernements affecteront de plus en plus de gens, non seulement dans les anciennes zones industrielles du monde développé mais à New York, Los Angeles, Londres Madrid et Prague.
Laissé à ses propres moyens, le capitalisme promet des difficultés économiques pour les dizaines d’années à venir, avec des attaques de plus en plus violentes contre les gains et les conditions de travail de ceux qui ont encore la chance d’être salariés dans le monde, des vagues de faillites et de consolidations pour les entreprises capitalistes et des conflits de plus en plus graves au sein des entités économiques et mêmes de pays entiers sur la question de savoir qui va payer tout cela. Quels constructeurs automobiles, dans quels pays, survivront, quand d’autres s’empareront de leurs avoirs et de leurs marchés ? Quelles institutions financières seront écrasées par des dettes impossibles à recouvrer et lesquelles survivront et réussiront à s’emparer d’énormes parts du marché mondial pour gagner de l’argent ? Quelles luttes éclateront pour le contrôle des matières premières comme le pétrole, l’eau pour l’irrigation et la boisson ou les terres arables ?

Aussi déprimantes que soient ces considérations, elles négligent deux facteurs paradoxalement liés qui promettent des effets encore plus désastreux pour l’avenir du capitalisme : le déclin annoncé du pétrole — base de tout le système industriel actuel — comme source d’énergie, et le réchauffement de la planète provoqué par la consommation de carburants fossiles. Même si la stagnation actuelle devait ralentir le changement climatique causé par les gaz à effet de serre, les dommages déjà créés sont extrêmement graves.
Ce que nous promettent ces tensions continuelles sur la société, c’est que le déclin de l’économie, même infléchi cycliquement, sera le vecteur d’une crise du système social qui, parce qu’il obéit aux lois de la physique et de la chimie, dépassera les domaines strictement économiques. Si le déclin de l’approvisionnement en pétrole et les catastrophes causées par le changement climatique ne provoquent pas une transformation majeure de la vie sociale, il est difficile d’imaginer ce qui pourra le faire. Cette idée peut sembler irréelle aujourd’hui à ceux qui parmi nous vivent encore, pour la plupart, dans ce qui subsiste de la prospérité matérielle apportée par le capitalisme d’après-guerre, tout comme la misère et la terreur qui accablent les habitants du Congo déchiré par la guerre sont difficiles à saisir par les habitants de New York ou de Buenos Aires. Mais cela ne fait que montrer la pauvreté de notre imagination et non l’irréalité des défis qui nous attendent (…) La plus grande inconnue lorsqu’on envisage l’avenir du capitalisme, c’est le degré de tolérance de la population mondiale face aux ravages que ce système social lui infligera. Les gens sont parfaitement capables de réagir de manière constructive face à l’effondrement des structures normales de la vie sociale et d’improviser des solutions aux problèmes immédiats de la survie physique et émotionnelle. Cela nous est amplement démontré par leur conduite face aux catastrophes tels que les tremblements de terre, les inondations, les dévastations de la guerre, ainsi que lors des précédentes périodes de bouleversement économique. Le fait que les gens du XXIe siècle n’ont pas perdu la capacité de faire face aux autorités pour défendre leurs intérêts a été démontré par les jeunes protestataires d’Athènes, les fonctionnaires grévistes de Johannesburg et, plus récemment et spectaculairement, par les Égyptiens qui, du moins pendant un moment, ont détruit un État policier en place depuis des dizaines d’années (PM junior avait été trop vite rêveur, l'Etat policier égyptien n'a jamais été détruit et fait encore pisser le sang comme son homologue syrien, et cet anarcho-marxiste ne voit pas l'essentiel: si le sang des prolétaires arabes coule à flots c'est parce qu'en Occident le prolétariat se bouche encore les oreilles et détourne le regard pour ne pas voir ce qui l'attend)..

Dans tous les cas, les gens (!? traduction bête de people?) vont avoir l’occasion d’explorer pareilles possibilités dans un avenir proche, s’ils souhaitent améliorer leurs conditions de vie de la manière concrète qu’une économie déliquescente exigera. Alors qu’à l’heure actuelle ils attendent encore le retour promis de la prospérité, à un moment donné les millions de nouveaux sans abris, comme beaucoup de leurs prédécesseurs dans les années 1930, risquent de s’intéresser aux logements vides récemment saisis, aux biens de consommation invendable et aux stocks de nourriture accumulés par l’État, et d’y trouver tout ce dont ils ont besoin pour survivre. En outre, le fait de s’emparer et d’utiliser des logements, de la nourriture et d’autres objets, en enfreignant les règles d’un système économique fondé sur l’échange de biens contre de l’argent, implique en soi un mode d’existence sociale radicalement nouveau.
Au fur et à mesure que le chômage s’étendra, il se peut que les travailleurs prennent conscience que, avec ou sans emploi, les usines, les bureaux, les fermes, les établissements scolaires et autres lieux de travail continueront d’exister même s’ils ne permettent plus de dégager de profits, et qu’ils peuvent être mis en marche pour produire les biens et les services dont les gens ont besoin. Même s’il n’y a pas assez d’emplois — d’emplois payés par les entreprises ou par l’État — il y aura beaucoup de tâches à accomplir si les gens organisent la production et la distribution pour eux-mêmes, en dehors des contraintes de l’économie marchande. Cela signifiera, bien sûr, bâtir une nouvelle forme de société.
Le capitalisme existe depuis tant de générations, il a prouvé sa vitalité en chassant ou en absorbant tous les autres systèmes sociaux du monde entier, qu’il semble faire partie de la nature et paraît irremplaçable. Mais ses limites historiques apparaissent désormais visiblement dans son incapacité à répondre aux défis écologiques qu’il pose, à entraîner assez de croissance pour employer les milliards d’individus qui s’entassent dans les bidonvilles d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie, ainsi qu’un nombre toujours plus grand d’entre eux en Europe, au Japon et aux Etats-Unis, et à échapper au dilemme de sa dépendance vis-à-vis d’une participation de l’État à la vie économique d’un niveau tel qu’il draine l’argent des entreprises privées. Tout comme la Crise de 29 a montré les limites des moyens mis en place pendant les années 40 pour contenir la tendance du capitalisme à la catastrophe périodique, elle suggère la nécessité de prendre enfin au sérieux l’idée que, comme on dit, un autre monde est possible ». (13 mars 2011).

Paul Mattick junior, peu marxiste avec son entité ("les gens"? ou le peuple?) oublie simplement le plus important, comment fera le prolétariat universel pour renverser les « incapables » qui nous régentent une humanité qu’ils détruisent un peu plus chaque jour ?

jeudi 12 janvier 2012

AU PAYS DE LA HIERARCHIE ETATIQUE CRIMINELLE ET DES CRIMINELS LEGAUX DE BASE



Avec le deuxième meurtre policier, après l’Auvergne, à Aulnay, la référence à une soit disant « faiblesse cardiaque » de la victime a été aussitôt jetée en pâture par les journalistes serviles, pour couvrir une nouvelle « bavure », néanmoins dégoulinante de sang et puante de mauvaise foi. La répétition du meurtre par policier impuni fait partie de la campagne électorale du tueur en chef de l’Etat. Je ne suis pas anti-flic par principe, des flics sont tués parfois lâchement par des tarés de malfrats, heureusement que nombre de meurtriers sont alpagués. C’est pourquoi je n’aime pas trop la tonalité du livre de frère Fassin, un intello professionnel installé et bardé de présidences – « La force de l’ordre » - enquête de terrain où il s’aligne sur la position gauchiste simpliste (= police caca). Ce n’est pas si simple, supprimez la police et vous aurez mille fois plus d’agressions et de salopards. Mais dire cela est aussi très relatif, les riches sont mieux protégés que les pauvres, aucune autre ville que Paris ne possède une densité policière comparable au mètre carré. Objection : comment ne pas comprendre vol et agressions délictueuses quand les principaux truands au pouvoir, ministres et banquiers « montrent l’exemple » à une population paupérisée… Abjection : le rôle, dit de « protection du citoyen », encore nécessaire de la police dans une société de guerre des classes dominées encore par la guerre des bandes marginales et mafieuses, est SECONDAIRE. Le rôle des mercenaires d’Etat en armes, cagoules et habits de Robocop reste toujours D’ABORD la défense de la bourgeoisie et de l’ordre social : en clair filmer, ficher, taper sur tout ce qui bouge dans les manifestations, les grèves et actions diverses du prolétariat. C’est pourquoi si vous pauvre prolétaires lambda allez vous « plaindre » de vol ou viol, vous serez toujours considéré non pas comme victime (car vous avez le culot de demander justice aux valets des riches et de … travailler) mais coupable, et si coupable que vous en viendrez à retirer votre plainte pour que cela cesse « de se retourner contre vous ». La police est bien le fleuron de la « démocratie représentative », cette dictature truquée des riches.
Ne rêvez pas à une police propre, même dans le plus petit fait divers où l’action des pandores est peu reluisante sous couleur de « protection de la population » mais si minable en regard du respect humain, ils sont toujours excusés, couverts par les veules corbeaux noirs de la « justice de classe » aux salaires mirifiques et au dos si voûté de tant de courbatures face aux puissants du sommet de l’appareil d’Etat des voleurs et tueurs en chef. Il faudrait cesser de considérer la police comme une unité cynique et inhumaine, la police est avant tout un système hiérarchique impitoyable où :il faut obéir aux ordres d’en haut ; c’est du chiffre qu’exigent les trous du cul chefs à tous les niveaux ; c’est des peines de mort de rue qu’exige le kärchériseur en chef à condition qu’elles soient déguisées en « bavures ». Donc ce n’est même pas le premier exécutant criminel, galonné ou pas, qui est à mettre en cause, mais le sommet de la hiérarchie. Le discours sécuritaire de Foutriquet est mis à nu : la population n’a pas peur en priorité des bandes de voyous mais d’une police conditionnée à être arrogante, vindicative, préformatée à rouler des mécaniques (les flicardes, sensées humaniser ces bandes armées du capital, sont plus violentes et salopes que les mecs, promotion féministe d’usage).
Raisonnons. On ne peut pas vraisemblablement opposer à des flics « tous pourris » une population « toute innocente ». Des immigrés, récemment venus de leur campagne et aliéné par leur fétichisme religieux, peu civilisés (au sens du respect de soi et de l’autre) se livrent à des violences inconsidérées contre des passants ou leurs femmes, tout autant que certains pauvres types métropolitains – et sont autant inexcusables. Nombre de ces Roms, si vertueusement défendus par nos anars douillets, n’ont pour ressource que le grand banditisme et la prostitution qui arrose les campements de fortune comme la mafia sicilienne arrose ses pauvres complices… Baraqués, super armés, ou super-excités par leur propre rage ou la vinasse, il faut vous représenter la difficulté pour les maîtriser. J’ai assisté plusieurs fois à des scènes de violence ou de menaces disproportionnées face à des policiers isolés. Un jour, je vis à Malakoff une famille arabe, qui barrait la rue centrale, contre trois policiers qui venaient les calmer parce que leur papy s’était fait renverser, du fait de sa propre négligence, par une voiture, insultant, bousculant ; je vous assure que je suis resté prêt à me solidariser des policiers en faible nombre. Certaines bavures sont excusables dans des situations de violences disproportionnées de part et d’autre ; des policiers sont victimes parfois eux-mêmes (mais on en parle peu, et la lumière ne sera jamais faite sur l’assassinat de la jeune policière municipale parce que les gangs concernés sont plus proches des milieux sarkoziens que de l’honneur de la fonctionnaire assassinée ; chacun sait que les sales flics de la mondaine couvrent chacun tel ou tel gang, comme DSK frayait avec Dodo la saumure, si tôt relâché). En fait le flic de base est plus souvent qu’on ne croit proche du prolétaire, mais muselé et dépressif, et n’a rien à voir avec ces petits mecs en civil, revolver qui dépasse de la sacoche et qui déambule ostensiblement en mâchant leur chewing gum dans les commissariats, se rêvant nouveau Gary Cooper, même s’ils n’en ont pas la taille, et dont le poster de John Wayne décore leur bureau exigu et crade. En résumé, la police est une cascade d’ordre ; comme chez les nazis, que cela lui plaise ou non, le dernier maillon de la chaîne ne peut s’indigner, à moins de choisir la direction de Pole emploi.
Tous les régimes sous domination bourgeoise, de Thiers à Mitterrand, ont toujours couvert les bavures policières ; il est donc mensonger d’en accuser le seul Sarkozy, même s’il y apporte une contribution notablement efficace au niveau médiatique quand sur le terrain la petite mémé de Bagneux se fait toujours frapper et arracher sa carte bleue, où le concierge casser la gueule s’il ne laisse pas accès aux caves par la bande de noirs et d’arabes en âge lycéen qui règne sur le quartier… où les couloirs des barres sont ornées du slogan « mort aux juifs » sans que les cow-boys inspecteurs ni la municipalité « communiste » ne les fasse effacer.
L’appréciation de la violence policière est très complexe (et très « partagée », suffit de lire les cris de joie des beaufs dans leurs commentaires sur le web si la victime de la bavure est arabe !), et il faut regretter que la presse vénale comme ses lecteurs naïfs gauchistes et anarchistes, ne se livrent qu’à la dénonciation des « flics », sans décrypter les mécanismes de manipulation hiérarchique de l’Etat : quel est le moment de la bavure, à quoi correspond-elle, était-elle évitable, qui a donné l’ordre, etc. Mais, même comme maladresse locale elle reste couverte par les « plus hautes autorités » de l’Etat bourgeois, qui ne va pas punir ses meilleurs mercenaires avec les aristocrates syndicaux ! Et elle se double de cette indignation stupide qui redouble de haine contre le seul exécutant : quoi il ne sera jamais condamné ? Alors que son indignation devrait bien restée tournée vers le principal commanditaire, l’Etat bourgeois, et ses représentants physiques protégés eux par leurs voitures blindées !
Voici un vieil article du Nouvel Obs – Le tabou de la bavure -, insuffisant et hypocrite comme le veut la ligne de cet hebdo pour bourgeois de gauche caviar, mais qui démonte la mystification du mort par insuffisance de son propre métabolisme. Vous avez oublié Malik Oussekine et sa dialyse ? Vous n’oublierez pas désormais ce que cache une insuffisance respiratoire, un malaise cardiaque et une crise d’asthme ! Ni que la « déontologie » policière est pavée de nombreux jeunes morts en garde à vue en France depuis au moins trente ans, et que, curieux hasard, ils étaient porteurs de noms à consonance arabe, paisibles retraités comme jeunes plein de vie et d’espoirs au pays putride des « droits de l’homme ».
Article publié dans le "Nouvel Observateur" du 19 juin 2008)
Il est mort en dix minutes, sur un trottoir, menottes aux poings. C'était le 9 mai, à Grasse. Abdelhakim Ajimi, 22 ans, refusait de suivre les policiers qui l'interpellaient. L'un d'eux lui a fait une clé d'étranglement. Des témoins ont vu. Et raconté : "Il avait la face contre terre, trois policiers sur lui, j'ai entendu le jeune homme dire qu'il ne pouvait plus respirer, il était violet. Un des trois policiers lui a donné des coups de poing." Et, selon une autre personne citée par Me Sylvain Pont, avocat de la famille Ajimi : "Il ne pouvait plus ni parler ni crier. Alors il a tapé contre le sol avec la paume de sa main, comme un catcheur qui veut cesser le combat." Une enquête est en cours. Les policiers sont toujours en activité.
Le 28 mai, à Paris cette fois, un groupe de jeunes a croisé la route de deux policiers hors service. Mais armés, et ivres. L'un d'eux a dégainé, et tiré sept fois. Trois personnes ont été blessées, dont une gravement. Elles ont été placées en garde à vue, à l'hôpital. Une enquête a été ouverte. Les policiers ont été suspendus.
Et au mois de mars, dans le Gard, un automobiliste a été frappé par trois policiers devant sa femme et son bébé de 8 mois. L'homme est resté vingt-quatre heures en garde à vue. Il n'a pas porté plainte, mais les images de son passage à tabac sont sur le net. Elles font tache. Parce qu'elles viennent nourrir cette vieille idée que trop souvent la police abuse, dérape, déborde. Que son histoire récente serait maculée de bavures... Ces erreurs graves, parfois tragiques, qui n'ont pas vraiment d'existence statistique, et qui finissent broyées dans les lenteurs judiciaires.
Augmentation des plaintes
Car c'est une de ses caractéristiques : la bavure se cache. Dans le vocabulaire administratif, c'est une catégorie parmi d'autres, celle des "violences illégitimes". Son seul indicateur est le nombre de plaintes enregistrées par la police des polices (l'Inspection générale de la Police nationale et l'Inspection générale des Services pour Paris et la petite couronne). Ainsi, en 2006, sur 1.519 plaintes, 639 concernaient des allégations de violences, contre 548 en 2000, et 611 en 2003. Et parmi ces 639 dossiers, 14 sont des cas de décès. En tout, 114 policiers ont été sanctionnés, alors que 8 autres étaient révoqués. "Mais il faut relativiser, indique le sous-directeur des études et commissaire divisionnaire à l'IGPN, Christophe Fichot. Nous avons retenu 639 allégations de violences en 2006, ce qui n'est pas énorme si l'on compare ce chiffre aux 4 millions d'interventions policières."
Il n'empêche, l'augmentation des plaintes pour violences est constante depuis le début des années 1990. Le point d'inflexion, selon le sociologue Fabien Jobard, se situe "vers 1993, date à partir de laquelle le filet pénal se resserre, où on poursuit et met en garde à vue les mineurs". C'est hélas un fait aussi, le risque de la bavure a un âge, et une couleur de peau : Abdelkader Bouziane est mort d'une balle dans la nuque en 1997 à Dammarieles-Lys, il avait 16 ans ; Habib Ould Mohamed, 17 ans, a été laissé pour mort sur un trottoir à Toulouse en 1998 ; Riad Hamlaoui avait 25 ans quand un policier l'a abattu à bout portant, à Lille en 2000 ; Zied Benna et Bouna Traoré, poursuivis par la police, ont été électrocutés à 17 et 15 ans, en 2005, à Clichy-sous-Bois, etc.
Fabien Jobard dit : "La récurrence des confrontations tragiques entre policiers et fils et petits-fils d'étrangers constitue aujourd'hui un problème incontournable de la police française." Et l'organisation Amnesty International confirme dans son rapport 2005 : "Le racisme est un facteur important dans beaucoup d'affaires", comme si les personnes d'origine immigrée étaient "davantage susceptibles de constituer une menace à la sécurité ou de commettre des infractions que les Blancs ou les non-musulmans".
C'est l'histoire d'une époque, effrayée par son ombre. Où le débat politique criminalise l'immigration et ethnicise les problèmes sociaux. "Où la société est aussi toujours plus violente, affirme Hervé Jaffré, du syndicat UNSA-Police. Et la pression pour faire du chiffre produit une police qui fait plus peur qu'elle ne rassure." Sans compter le nombre des gardes à vue, qui dépasse le demi-million en 2007. Mais pour Fabien Jobard, si l'augmentation des allégations de violences est bien due à un "régime en effet toujours plus répressif, il faut relativiser, car elle correspond aussi à un regard public de plus en plus vigilant face à sa police".
Ainsi la Commission nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) a-t-elle traité 144 dossiers en 2007, contre 19 à ses débuts en 2001. Forcément saisie par la voie d'un parlementaire, la CNDS émet seulement des avis et des recommandations. Lesquels sont d'ailleurs trop rarement suivis d'effet au goût d'une autre commission, Citoyens-Justice-Police, composée de membres de la Ligue des Droits de l'Homme, du Syndicat de la Magistrature et du Syndicat des Avocats de France. Ces dispositifs de vigilance, s'ils ont le mérite d'exister, n'ont aucune habilitation judiciaire. Et le problème est justement là : "C'est toujours la police qui enquête sur la police, insiste Mouloud Aounit, président du Mrap. Et on voit le même dispositif d'étouffement de la bavure se répéter, un doute qui s'installe autour de la victime. A Grasse, on a dit d'Abdelhakim Ajimi que c'était un forcené, et qu'il avait de toute façon un problème cardiaque."
Effet boomerang
Enfin, la bavure a pour douloureuse particularité d'avoir un effet boomerang. Elle fait vite taire ceux qui la crient. En 2007, le service juridique du Mrap a saisi 50 fois le procureur de la République sur des faits de violence policière. Résultat : 50 classements sans suite. "Et si on s'adresse directement à la police, c'est simple, explique un conseiller du Mrap : la plainte est soit refusée, soit elle se retourne contre la victime, qu'on poursuit pour outrage ou rébellion." Et quand l'affaire finit au tribunal, c'est sans empressement.
Dans le cas d'Aïssa Ihich, roué de coups et mort d'une crise d'asthme en garde à vue à Mantes-la-Jolie en 1991, dix ans ont passé avant l'examen du dossier devant une cour. Quant aux condamnations, "elles ne sont souvent pas à la mesure de la gravité des crimes commis", assène Amnesty International. Pour Rachid Ardjouni, 17 ans, abattu d'une balle dans la tête en 1993, le fonctionnaire ivre au moment des faits a pris deux ans de prison, dont seize mois avec sursis. Et en 1996, la cour d'appel a allégé sa peine et annulé son inscription au casier judiciaire, lui permettant ainsi de reprendre son activité policière. Un travail propre, et sans bavure.
Elsa Vigoureux -Le Nouvel Observateur
Cet article a été publié dans le numéro 2276 du Nouvel Obs du 19 au 25 juin 2008.

mercredi 11 janvier 2012

SYNDICS DE FAILLITE (suite)



SUR LES QUAIS SYNDICAUX

Il ne fallait pas rater l’émission du subtil Yves Calvi dans son émission du 10 janvier « C’ dans l’air » (toujours sur la lame du rasoir idéologique, et qu’adorait notre ami Goupil), intitulée « Sur les quais » en référence au film avec Marlon Brando des fifties sur la mafia syndicale portuaire aux Etats Unis ; film de Kazan qui n’a pas pris une ride, et que tout prolétaire ne peut se passer de revoir. L’émission avec toujours des spécialistes soft et arrangeant autorisés, n’a pas vraiment outrepassée le manichéisme simpliste du film de Kazan. Mais quand même, sur la pourriture des syndicats institutionnalisés et sur la mise en scène indubitablement facilitée par le gouvernement Sarkozy, chaque spectateur conscient ne pouvait que profiter des interlignes, des sous-entendus et des leçons de morale syndicale pure des invités triés sur le volet et très œcuméniques de compassion pour les licenciés de la mer.

Sous les sourires et les raisonnement conviviaux, les « autorisés » des médias d’Etat surent masquer la raison majeure de tous ces mics macs « scandaleux » : sans des syndicats ergoteurs et même pourris jusqu’à la moelle, qui ridiculisent la classe ouvrière en défendant des corporations féodales, dont les chefs des appareils sont présentés comme des parangons de vertu face à des bases locales corrompues, LA BOURGEOISIE A PEUR DU PROLETARIAT. Dès le départ toutes les factions syndicales, officielles (CGT, CFDT) comme leurs suivistes dits « honnêtes » (cf. SUD et compagnie, CNT incluse) ridiculisent depuis des décennies la grève comme instrument de lutte générale de la classe ouvrière. La complicité entre « pourris » et « purs » est avérée si vous vous reportez aux tractes et articles de soutien des grèves mafieuses de la SNCM, et d’un tas de boites depuis des décennies où gauchistes et anarchistes se sont « solidarisés » avec les actions violentes et très localisées des appareils locaux des « grandes confédérations », leur reprochant même de ne pas en faire assez, en généralisant par exemple la mainmise des mafieux syndicaux partout où la défense du clan corporatif primait pour les affiliés directs (syndiqués de bandes locales et familiales). Gauchistes et anarchistes, connaissant très bien les pratiques terroristes et mafieuses des syndicalistes d’Etat, espèrent toujours simplement rivaliser pour prendre la place chaude et enrichissante. Quand on pense que les anarchistes nous brament depuis deux siècles que la société d’avenir devrait être autogestionnaire et gérée par les appareils syndicaux, on frémit d’horreur.

La tonalité de l’émission était tout à fait consensuelle, les braves debaters s’affirmèrent immédiatement conte toute interprétation généralisatrice abusive de la corruption, avec ce délicieux argument de faire passer playmobil Thibault et fils Chérèque pour de braves dirigeants dupés par… une base locale pourrie ; oubliant benoitement de rappeler qu’ils avaient commis pire que les petits truands locaux des appareils, faire passer la loi inique contre les retraites en totale complicité avec le gouvernement. Un de aimables invités eût même le culot de nous assurer que Thibault avait paralysé la France en1995, et que ce héros avait eu du mal depuis des années à nettoyer les écuries d’Augias du syndicalisme made in CGT rétribué par l’Etat et le patronat, avec ce souci éminemment citoyen de « préserver la paix sociale »!
La corruption syndicale est expliquable simplement, dit l’un, adoubé par les autres, c’est la faute aux ouvriers et aux employés qui ne se syndiquent pas suffisamment ; comme si les cotisations d’antan avaient été un gage de syndicalisme honnête ! En France n’y a-t-il pas que 8% de syndiqués dans le public et 5% dans le privé ? Hein, alors où trouver le fric pour huiler les appareils et appareillés des structures de contention sociale de l’exploitation ?

Les braves invités de Calvi maquillèrent allègrement, au passage, l’histoire passée du début de la reconstruction du pays : c’est pour éviter les classiques vols massifs dans les ports que le gouvernement De Gaulle et ses alliés staliniens auraient institués le monopole d’embauche sous égide syndicale. Ce n’est donc qu’à présent, voire localement à Calais comme à Marseille, que des bandes « organisées » auraient fait honte à ce monopole d’embauche, pourtant très cogestionnaire, pour éviter toute explosion généralisée de cette classe ouvrière, très corruptible à travers ses représentants toujours auto-désignés ! On laissa de côté que dans toutes les industries (automobiles, bâtiment, services, etc.) le vol ou détournement généralisé de quelques uns n’a rien à envier à la faillite des régimes staliniens, et que ce n’est qu’un des aspects (pas le plus important) de la décadence du capitalisme financier, ou une partie infime des prolétaires et d’anciens ouvriers, participent au pillage pour leur gueule.
A plusieurs reprises on entendit l’un ou l’autre remarquer naïvement que « les organisations syndicales ont besoin d’argent », sans nous expliquer pour quoi, pour qui, mais en constatant toujours paradoxalement « pour la paix sociale », comme si cet objectif financier était louable et… désintéressé pour les permanents fainéants et partageux du « pouvoir politique » sur les masses prolétaires. L’opacité financière, à double fond des nombreuses structures syndicales et de tous les CE, fût soulignée, mais toujours relativisée par cet argument stalino-anarchiste par cette fable du syndicat moderne qui se construirait « de la base au sommet » ; comme toujours les ouvriers, ou ceux parmi eux qui chantent les refrains corporatifs de leurs encadreurs et encarteurs professionnels, ou défilent badgés comme des singes, restant les « dindons » de la farce (op.cit.)
Le téléspectateur n’échappa point à la focalisation grossière sur les magouilles de la mafia CFDT de Sea France, en étalant ce que le public ouvrier savait et subissait depuis des lustres : congés exceptionnels, promotion des « copains » et des « frères » ou des « footballeurs » du coin. Deux représentants du patronat et du gouvernement tentèrent de focaliser la corruption sur les seuls monopoles du public, quand JL Touly les moucha en remarquant que ce n’était guère différent dans les boites privée, petites ou grandes (comme Veolia). Le rapport Perruchot, enterré avec la complicité de tous les partis électoraux de la bourgeoisie, planait invariablement au-dessus de têtes, générant un malaise inévitable avec des sourires jaunes. Loin de simplement exempter le syndicalisme en pointant du doigt des brebis galeuses, dénigrant le « tous pourris », nos debaters laissaient malgré leur bonne volonté collaborationniste, pointer la vérité : « les politiques ont besoin de relais dans la vie sociale »… pour la « paix sociale ».

Le Thénard du Figaro, cire-pompe autorisé de Sarkozy, ne manqua pas de souligner une évidence communément reconnue sauf par les mafiosos du cru, Sea France a commencé à s’écrouler dès 2007 par les énormes détournements de marchandises, d’une valeur de millions d’euros (duty free, magnétoscopes, etc.). Personne n’était là non plus pour informer des pratiques des pillards de la mer patronaux du Pas de Calais, non seulement ils empochent 70% du revenu de leur pillage maritime, mais ils font payer l’essence de leurs bateaux à leurs ouvriers-marins ! La fortune des patrons marins-pêcheurs contrastent pornographiquement avec la misère des ouvriers-marins et avec les « détournements » accessoires à Sea France. Tout le monde le sait, mais les prolétaires s’inclinent, impuissants, dans la région la plus chômeuse de France.

UN MIC MAC POUR AFFAIBLIR LA CAPACITE DE RIPOSTE DE LA CLASSE FACE A LA CRISE SYSTEMIQUE
Tout en prenant soin de distinguer les brebis galeuses du clan syndical CFDT local, on se plut à souligner que le « pauvre personnel » était désormais divisé, avec cette fleur de rhétorique pour sciences PO et énarques en apprentissage : d’un côté les mafiosos qui protestent de leur innocence non encore « prouvée par les tribunaux » (refusant tout arrangement, ce qui fait très combatif pour anarchistes infantiles), de l’autre les « non-syndiqués » mendiant pour un repreneur (ce qui fait très réformiste) !
Mais, ce confusionnisme ne pouvait éviter de laisser percer le fonctionnement « légal » de la corruption : le chef du CE syndical est le véritable patron de l’entreprise, les experts nommés pour vérifier les comptes sont eux-mêmes « très liés » aux CE, les cartes d’embauche de dockers à Marseille sont transmissibles de père en fils. Ces constats scandaleux de l’inféodation du syndicalisme de la base au sommet, étaient immédiatement modérés par le Thénard sarkozyste de service : « les syndicats ‘évoluent’ ; Bernard Tibault, l’homme qui a bloqué la France en 1995, a beaucoup souffert en interne pour convaincre ses affidés de venir à la table des négociations et d’en finir avec la mainmise du PCF sur le principal syndicat français », « la CGT nationale a aidé à contrer le syndicat (mafieux) pourri à Marseille ». Touly, spécialiste de « l’argent des syndicats » protège sa peau en appuyant l’idée que « on a besoin des syndicats », mais ne peut s’empêcher de rappeler que dans les ports, le marché du travail ne peut être contrôlé que par l’empire CGT (où la CFDT resteminoritaire), et que si Thibault se tait, c’est parce qu’il est bien content que la patate chaude échoie au concurrent CFDT. Lorsque l’un ajoute par après que « Chérèque a fait preuve de courage », l’autre répond qu’il ne pouvait pas ne pas être au courant… A la question d’un spectateur intelligent : « les syndicats ne peuvent jamais être contrôlés », Touly répond courageusement qu’ils ne sont pas élus mais « désignés ».
Malgré leurs prêchi-prêcha à fleurets mouchetés, et la trouille au cul, les gentils debaters ont été obligés de reconnaître en cours de route que les mafieux syndicaux, de Marseille à Calais, ne sont finalement jamais inquiétés par la « justice ». Cela on voulait l’entendre dire par ces invités, nous les pauvres anonymes sans voix et sans considération, comme nos frères de classe de Calais, hors des clans syndicaux, jetés à la rue par les clans mafieux et leurs complices au sommet de l’Etat.

lundi 9 janvier 2012

SYNDICATS = SYNDICS DE FAILLITE


UNE MAFIA SYNDICALE PEUT EN CACHER UNE AUTRE


Les journalistes nationaux parlent de syndicalisme « à la dérive » ! Pas vraiment pourtant ! D’ordinaire dans les histoires de trafics immobiliers, de passe-droits divers, d’embauchage en surnombre (népotiste), de couverture par les politiciens et les tribunaux, c’est la CGT qui tenait le pompon, ce coup-ci la CFDT fait mieux, localement, arguent-ils…

Depuis des années, en milieu ouvrier dans le Nord, on savait que la première cause de la faillite de Sea France était le détournement à leurs propres comptes par les employés des produits du duty free. Les réactions à l’annonce de la liquidation n’entrainent que des réactions ironiques de la plupart des autres ouvriers : « rien à foutre… z’avaient qu’à pas piller les navires… des conditions de travail de planqués (15 jours à bord + 15 jours de repos…, etc. »).

Pas l’employé lambda évidemment, quoiqu’il existe toujours des complices au plus bas niveau (comme dans la mafia italienne). Le clan népotiste CFDT, (comme la CGT du livre ou du port de Marseille) n’a jamais été inquiété pour ses malversations et a même réussi à faire condamner des journalistes locaux par la justice de classe, et, de plus, prétend encore faire la pluie et le beau temps avec sa SCOP, face aux non-syndiqués déterminés à ne plus subir le clan des tricheurs terroristes.

Les commentateurs de l’article du Monde, ci-dessous, sont sans pitié pour cet aspect truand seulement de l’iceberg syndical :

- La liste des "affaires" qui touchent aux dérives du syndicalisme est longue: 1% logement, formation, comités d'entreprises, fonds secrets patronaux,presque à chaque fois des informations judiciaires sont ouvertes et puis bizarrement contrairement aux autres dossiers financiers, plus grand chose dans la presse et peu d'empressement des juges..à première vue . Comme si tout le monde préférait cette version "compromission" de la défense des salariés

- Très intéressant : ce genre de structure syndicale est plutôt le fait de la CGT,quelquefois de FO (cf Marseille ),les membres de la nomenklatura CFDT travaillent plutôt dans cette légalité qui permet de faire fructifier un carnet d'adresse politico-économique et une certaine forme de bonne volonté envers le libéralisme tempéré ( voir l'agence de notation de N Notat ou Chérèque ,le père ,devenu préfet).

- Le syndicalisme dérive depuis longtemps ! capables de bloquer un pays avec seulement 8 % des travailleurs syndiqués, le syndicalisme pratique intensivement le trafic d'influence : dockers à 4000 €/mois pour 20 h/sem, position dans l'EN, faux-témoignages aux Prudhommes...

- Les syndicats sont riches à milliards surtout de l'argent des contribuables, pourquoi avoir enterré le futur rappart parlementaire pour ces protecteurs de pauvres prolos? MONTEBOURG et AUBRY se taisent, pourquoi?

- Le fait d'être syndicaliste n'est pas forcément un gage d'honnêteté...la défense des intêrets des salariés n'exclue pas que l'on puisse taper dans la caisse, avec l'accord tacite du patronat tremblant de peur et n'osant pas dénoncer les dérives sous peine d'un "mouvement social". Chéreque attendra t il la mise en examen des syndicalistes concernés pour les exclure...sûrement pas en vertu du principe de la présomption d'innocence. Les Cappelle et cie n'ont pas de mouron à se faire!

- Des syndicalistes qui intimident la CGT, il faudrait leur dresser une statue !

Laissons la parole aussi à un naïf cégétiste qui montre que le scandale de la CFDT Sea France ne contribue pas plus à lui ouvrir les yeux (l’aliénation syndicaliste de base est surtout une arriération mentale trainée par les anarchistes, qui restent toujours à la queue des mafias centrales en les suivant comme chiens fidèles qui espèrent des morceaux de «cogestion syndicaliste » ou quelques postes de planqués « permanents » :

« Bien entendu toute pratique illégale est condamnable. Mais on peut essayer de comprendre le pourquoi, au lieu de condamner vite fait des hommes. Sea-France, c'était le syndicalisme traditionnel des secteurs durs, qui répondait à un patronat dur et s'engageait avec lui dans toutes sortes de compromis, sans jamais laisser tomber les salariés. Avec la castagne, les gros bras, le club de foot (…)Aujourd'hui, nous sommes dans un autre monde. Les cadres middle-class de la CFDT nationale ne veulent plus se salir les mains avec des pratiques ouvrières qui froissent leurs costards. Les pratiques patronales ont changé, parce qu'aujourd'hui le patronat est plus fort, il n'a plus besoin de compromis, il peut dénoncer ce qu'il favorisait hier, et au nom de la morale s'il-vous-plaît, pour écraser encore plus les salariés. Faut-il hurler avec ces loups ? »

Il a un peu raison, quand les loups (la presse officielle + les politiciens) hurlent au scandale contre un de leurs anciens clans débilités ou trop exposé, méfiance, car le principal scandale demeure, c’est l’illusion véhiculée par l’anarchisme et le gauchisme qu’on pourrait disposer, du point de vue du prolétariat, d’un syndicalisme honnête ! Or le syndicalisme est profondément anti-ouvrier (au sens de l’intérêt général de la classe ouvrière) depuis un siècle au moins. Les prolétaires ne voient plus en lui qu’un syndic … de faillite ! Ils auront besoin dans une proche avenir de créer leurs propres structures, non localistes, non usinistes, mais de quartier et de régions sur le modèle des conseils ouvriers des années 1920.

L’article de Bertrand Bissuel, n’est pas un hurlement, il avance d’ailleurs prudemment (pour s’éviter d’éventuels procès de ces mafias toujours puissantes et protégées par le pouvoir, même si les médias donnent de la voix)… le temps efface les scandales en deux ou trois semaines, le temps que j’ai déterminé, depuis des lustres, pour la durée d’une campagne idéologique d’ampleur moyenne. En période pré-électorale, ce scandale d’un syndicalisme mafieux, où « des ouvriers (sic) sont responsables de la faillite de leur entreprise » (c’est vrai que la crise n’explique rien dans leur cas, et que la mafia des amis de la CFDT a détourné pour des millions d’euros de marchandises), ne peut que renforcer le camp des mafieux, autrement ramifié, pourri et riche, de la droite sarkozienne….

L’article du Monde :

Chez SeaFrance, l'étiquette CFDT est devenue lourde à porter. Un véritable boulet, presque une marque d'infamie. Depuis le 6 janvier, les responsables de ce syndicat dans la compagnie de ferries sont accusés dans la presse des pires dérives, au moment même où ils défendent la reprise de l'entreprise par une société coopérative et participative (SCOP). Un symbole de plus dans ce dossier qui s'est invité dans la campagne présidentielle. Les syndicalistes étaient déjà contestés, du fait de leur opposition à la solution de relance portée par Louis Dreyfus Armateur (LDA) et la société danoise DFDS. Mais la controverse a pris une tournure nouvelle avec le déballage, sur la scène nationale, de faits dénoncés naguère par des journaux régionaux et par d'autres syndicats : intimidations, violences, gestion opaque des instances représentatives du personnel, relations incestueuses avec l'ancienne équipe de direction, soupçons d'enrichissement personnel…

Dans ce déferlement d'accusations, un nom revient sans cesse : Didier Cappelle, responsable de la CFDT-Maritime Nord. Bien que cet ancien salarié de SeaFrance ait pris sa retraite en 2006, il continue de jouer un rôle de tout premier plan dans les manœuvres de sauvetage de la compagnie qui assure la liaison Calais-Douvres. Ses nombreux contradicteurs le décrivent comme le "cerveau", le "gourou" d'une organisation quasi "mafieuse". La CFDT, au niveau confédéral, a prévenu qu'elle l'exclurait, lui et les autres chefs de son syndicat, si les soupçons de "pratiques obscures et frauduleuses" se confirmaient. "On sera sans état d'âme, confie Laurent Berger, secrétaire national de la centrale cédétiste. Ces gens-là ne sont pas en phase avec les valeurs et l'éthique de la CFDT." Beaucoup moins sévère, un ex-cadre de haut niveau, employé dans la compagnie de 2001 à 2008, voit dans cet homme aux allures de papy ordinaire un "syndicaliste à l'ancienne", adepte certes "du coup de poing sur la table", mais "généreux".

Didier Cappelle commence à travailler en 1966 à l'âge de 15 ans, à l'issue de l'Ecole d'apprentissage maritime du Havre (Seine-Maritime). Mousse sur le paquebot France durant un an, il bourlingue ensuite sur "toutes sortes de bateaux" : porte-conteneurs, bananiers, etc. En 1973, il intègre l'Armement naval SNCF, l'ancien nom de SeaFrance, et gravit les échelons jusqu'au poste d'intendant, avant de passer permanent syndical en 1990. Au moment de son embauche, raconte-t-il, la CGT occupait une position dominante, tandis que la CFDT ne comptait que quelques dizaines d'adhérents. Le rapport de forces va peu à peu s'inverser. Didier Cappelle sait commander des troupes et se faire apprécier d'elles. En 1994, il est élu secrétaire du comité d'entreprise (CE).

Au cours des années 1990, les conflits sociaux s'enchaînent sur de multiples sujets : salaires, emplois, indemnisation des arrêts maladie… Nommé à la tête de SeaFrance en 2001, Eudes Riblier essaie de juguler le nombre de jours de grèves en travaillant "en étroite liaison avec la CFDT", explique un proche de l'actuelle direction, en poste à l'époque. "Petit à petit, poursuit-il, la CFDT a pris le pouvoir sur le recrutement des non-cadres." Didier Cappelle fournirait même des "listes" de personnes à engager dans la compagnie de ferries.

La Cour des comptes dresse un constat similaire dans un rapport remis en 2009 : pour les "agents de service général" à bord des navires, "le recrutement s'effectue largement par cooptation selon des critères peu transparents", écrit la haute juridiction, en ajoutant : "Les recommandations familiales et surtout l'appui de la formation syndicale majoritaire [la CFDT] entrent comme un facteur déterminant dans la sélection des candidats." Aux yeux de la Cour, cette politique entraîne des sureffectifs.

Didier Cappelle ne nie pas avoir eu "une certaine influence" en matière d'embauche, mais d'autres syndicats en avaient aussi et ces usages ne sont pas propres à SeaFrance, se défend-il.
La CFDT-Maritime Nord est également soupçonnée d'exercer son emprise sur les augmentations salariales et sur le déroulement de carrière des techniciens et des personnels d'exécution. A tel point qu'en février2007, l'intersyndicale CGT/CFE-CGC des officiers s'indigne des privilèges exorbitants qui seraient accordés à certains salariés : primes exceptionnelles sans justification, promotions aussi subites qu'inexpliquées… "Le président Riblier a acheté la paix sociale à la CFDT", fustigent les deux organisations.

Pour avoir relayé ces allégations, le quotidien Nord-Littoral sera condamné pour diffamation par la cour d'appel de Douai (Nord). Mais Pascal Dejean, le PDG du groupe propriétaire de ce journal, pense, aujourd'hui encore, que ces critiques étaient fondées : "Nous avons eu le tort d'avoir raison trop tôt", affirme-t-il. La preuve : la Cour des comptes a validé, dans son rapport de 2009, les observations faites deux ans plus tôt par l'intersyndicale des officiers.

Accusée d'être de mèche avec la direction, la CFDT-Maritime Nord est également montrée du doigt pour ses méthodes musclées. En mars 2002, un représentant de la CGT, Christophe Wadoux, est frappé au cours d'une "réunion paritaire" par Eric Vercoutre, l'actuel secrétaire du CE. Une agression commise sous les yeux d'un membre de la direction des ressources humaines. Un an plus tard, un groupe de salariés de SeaFrance emmené par Didier Cappelle envahit les locaux de Nord-Littoral à Calais. Un article leur avait déplu, raconte Pascal Dejean. Il n'y a ni coup ni casse – ou presque – mais par la suite, la CFDT-Maritime Nord distribuera des tracts menaçants contre des journalistes du quotidien, d'après le PDG du groupe de presse.

En avril 2005, une autre altercation éclate, entre Eric Vercoutre et Roger Lopez, un responsable de la CGT chez SeaFrance. Ce dernier s'écroule, après, dit-il, avoir été boxé par son contradicteur. La justice condamne le militant cédétiste à une peine d'amende, malgré ses dénégations. Enfin, quelques mois plus tard, un incident se produit lors d'une manifestation au Havre, mais cette fois la victime est une policière en civil qui photographie des manifestants. Plusieurs hommes tentent de s'emparer de son appareil, elle se retrouve au sol. Didier Cappelle, Eric Vercoutre et un de leurs collègues sont renvoyés en correctionnelle : le premier se voit infliger une amende, le second sept mois de prison avec sursis, le troisième cinq mois avec sursis.

Tous ces épisodes ont été grossis jusqu'à l'exagération, plaide Didier Cappelle. Il explique que la policière avait dissimulé sa véritable qualité aux manifestants – d'où la colère de certains d'entre eux. Il prétend même avoir cherché à la protéger avec ses deux collègues. Un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme a été engagé contre la décision sanctionnant les trois hommes… Un changement important survient lorsque Eudes Riblier est remplacé en 2008 par Pierre Fa à la direction. Celui-ci "siffle la fin de la récréation" et enterre la politique de cogestion, relate un syndicaliste. D'après lui, la CFDT-Maritime Nord cesse d'avoir la main sur une partie des recrutements. Depuis, la guerre fait rage entre le syndicat et le président du directoire. Les belligérants croisent le fer au sujet des comptes du CE : Pierre Fa multiplie les requêtes pour y voir plus clair. N'obtenant pas les documents réclamés, il lance des actions judiciaires, si nombreuses et si touffues que les protagonistes ont eux-mêmes de la peine à s'y retrouver.

Didier Cappelle assimile cette cascade de procédures à une "cabale" visant à "jeter le discrédit" sur son organisation. "Le CE a toujours été très bien géré et au bénéfice de tous", assure-t-il, tout en prenant un malin plaisir à rappeler que Pierre Fa fut condamné dans l'affaire Elf.

Début 2010, suspectant des détournements de produits à bord des navires, les patrons de SeaFrance portent plainte pour "abus de confiance". Une information judiciaire est ouverte par le parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Depuis, aucune mise en examen n'a été prononcée, mais les comptes bancaires de responsables de la CFDT-Maritime Nord auraient été épluchés.

Quelques semaines après le début de cette enquête, une autre affaire surgit : celle des biens immobiliers d'Eric Vercoutre. "Comment a-t-il pu se les offrir ?", s'interroge Nord-Littoral, le 4 juin 2010. Un sujet à nouveau abordé par Libération, dans son édition du 7-8 janvier. Au quotidien national, le secrétaire du CE indique qu'il a dû contracter de gros emprunts afin d'acheter ces logements qu'il met en location. Propriétaire, lui aussi, de plusieurs appartements à Calais, Didier Cappelle soutient qu'ils sont "hypothéqués" et qu'il s'est "surendetté" à cause de l'acquisition d'un immeuble.

"Sous prétexte de paix sociale, on a fait n'importe quoi", tempête Jacques Brouyer, secrétaire du syndicat CGT des officiers de SeaFrance. Des "calomnies" martelées depuis des années, rétorque Didier Cappelle. Selon lui, elles ressortent aujourd'hui pour torpiller le projet de SCOP. Celui-ci était considéré comme voué à l'échec en raison d'un financement insuffisant et d'un business plan boiteux. Mais la société Eurotunnel vient de créer la surprise en proposant d'appuyer le schéma construit par la CFDT-Maritime Nord. Si cette solution prend tournure, le pavillon français continuera peut-être de flotter entre Calais et Douvres ».

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