"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

jeudi 19 mai 2016

LES CASSEURS ET LES FLICS SONT MOINS UTILES AU GOUVERNEMENT QUE LES SYNDICATS





« Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut, en effet, être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du terrorisme est écrite par l’État, elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et démocratique. » Guy Debord

 
Deux mois déjà de manifestations diverses contre la loi travail, à répétition, et qui n'en finissent pas. On se rappelle de cette réflexion jadis d'un politicien : il est plus facile d'arrêter une lutte ouvrière qu'une lutte étudiante. Depuis deux mois, les faits font mentir ce politicien. A titre de comparaison il avait suffi d'à peine un mois de manifestations intercatégorielles en 1995, même cloisonnées par les syndicats d'Etat, pour faire tomber la loi Juppé contre les retraites (qui passa quand même plus tard, et autrement, comme cela va être le cas pour le 49-3, que les naïfs qui pensent que la révolution n'est pas indispensable y réfléchissent). La longueur du mouvement de protestation diffus, dispersé ce coup-ci, tenu en laisse par les flics syndicaux, ne peut s'expliquer par la seule obstination du gouvernement bourgeois, qui ne semble guère dérangé dans son mépris de la population, continuant à mener ses tests de candidatures multiples de l'élite en vue de la prochaine présidentielle, à rouler gratis en limousine et à bouffer dans les palaces, à parader dans les inaugurations et à commémorer obsèques sur obsèques, comme cela va être à nouveau le cas avec le crash de l'Airbus d'Egypt Air.
L'impuissance du gouvernement et de ses divers syndicats fait face à une réelle colère de classe qui ne s'en laisse plus compter, qui navigue au gré des infos et protestations sur le web, qui se fiche des explications « rassurantes », « accommodantes » des experts et autres collabos qu'on exhibe sur toutes les chaînes des prisons de l'infaux.
Il est frappant de constater (si j'ose le dire ainsi) une violence de rue bien supérieure à celle qu'on a connu en mai 68, avec des groupes de casseurs dits « ultra-gauche », préparés, déterminés aux pires violences, à une nouvelle « propagande par le fait » visant surtout à détruire des symboles publics, moyens de transport, métro (à Rennes) ou véhicules de police (à Paris). Les temps changent, bobos déclassés et chômeurs qui ne veulent plus être considérés comme des mendiants, cette population ne peut plus être comparée à nos gentils étudiants de 68, ex-maos et ex-trotskos futurs cadres du pire des partis bourgeois régulièrement en scène au premier plan contre les ouvriers depuis 1981.
Les casseurs sont présentés comme des terroristes qui veulent tuer « du flic ». Disons que la presse qui agite ce mensonge est la même qui est si magnanime avec les motivations des terroristes islamistes. On ne voit pas pourquoi nos casseurs hexagonaux ne seraient pas non plus de purs produits de la « société française », inégalitaire et méprisante pour les basses classes. Nos « ultra-gauches » méchants sont aussi le produit des « dormeurs debout », puisque c'est assez directement - après l'évidente vacuité des zozos assis place de la République pour blablater de tout et de rien et limiter l'expression à deux minutes, et censurer toute prise de parole prolétarienne – que des groupes ont commencé à agir violemment. D'un côté les bobos de « nuit debout » qui sont là pour dégoûter de toute réflexion politique et de l'autre les syndicats pour ouvrir le couvercle de la soupière le temps que le bouillon prolétarien refroidisse. Mais voici qu'on nous montre (côté journalistes corrompus et syndicalistes vénaux) la terrible violence des « assassins de flics », quand (côté gauchistes) c'est le bashing de la police. Les syndicalistes, surtout CGT, sont même venus avec gourdins et brassards seconder une police dénordée et appeurée. Est-ce les nouveaux corps-francs fascistes ? Se sont demandés nos aimables antifas ? Oh que oui et c'est du flic qu'il faut bouffer, et peindre une petite moustache sur la trogne à Valls !
Donc nos « ultra-gauches » viennent prêter main-forte en réalité au gouvernement. Le SO CGT en supplétif de la police, ils croient révélateur de dénoncer... ils ne se rendent pas compte que « l'opinion publique », cette pute suiviste, elle approuve plutôt. Zont raison les camarades de buter les petits cons qui portent tort aux sages enterrements successifs ! Les violences débiles, brutales et inadmissibles contre un véhicule de police isolé avec un flic noir et une femme, qui, en effet, se sont comportés avec dignité et courage, allaient-elles faire basculer vers « l'insurrection qui vient » ou vers la queue de grève qui s'éternise ?

Le petit ministre en sursis Valls n'allait pas rater l'occasion. Il a appelé les syndicats à s'"interroger sur la pertinence" de certaines manifestations (hum hum). Il a montré qu'il avait encore des muscles, prêt à faire lever par les forces de l'ordre les blocages des ports, raffineries et aéroports. Pas question de renoncer à cause des violences, a répliqué son complice le numéro un de la CGT Philippe Martinez. "On ne peut pas empêcher la démocratie de s'exprimer parce qu'il y a des problèmes en marge des manifestations". Le gus sent que le bouillon prolétarien brûle encore, donc pas de gaffe. L'ensemble des pompiers sociaux assurent que le "retrait" reste d'actualité, comme au premier jour de la mobilisation, le 9 mars. Cela me rappelle DSK et sa femme : on s'aime comme au premier jour, mais le divorce et le scandale ne cessèrent point.

La lutte devient pourtant un monstre du Loch Ness, très affaiblie par l'atmosphère des « lois d'exception ». Plus les appels à renouveler les manifestations, en cortèges sages et « démocratiques » sont... manifestes, plus les barrages filtrants sont nombreux au point d'embouteiller les villes et … d'exaspérer les prolétaires qui vont au travail, plus l'impression est au découragement des masses spectatrices de la bronca syndicale hypocrite, plus l'optimiste professionnel Hollande assure que la loi « va passer ».

En fait, cela ressemble bien à une grève générale, mais saucissonnée, telle que la rêvent les anarchistes. C'est un bordel généralisé voulu par l'Etat pour calmer les ardeurs.
Dans l'Ouest, plusieurs barrages filtrants ont été mis en place à Rennes, dont un sur un axe d'accès à un dépôt pétrolier, un autre à Nantes. On comptait plusieurs dizaines de kilomètres de bouchon ce matin en périphérie de la cité des Ducs. L'accès au centre-ville était très compliqué.

Le blocage des raffineries, utilisé par le passé de nombreuses fois par le gang CGT, est l'arme bureaucratique par excellence pour rendre impopulaires et couler les grèves; et ne réjouit que l'électorat CGT. La raffinerie Total de Donges (Loire-Atlantique), la deuxième de France, à été bloquée ce mercredi. Ce jeudi, le syndicat CGT appelle à un nouveau blocage qui devrait durer jusqu'à vendredi, 13 h 30. Des blocages qui entraînent et ont entrainé d'importantes files d'attente dans les stations-service, les usagers de la route craignant de ne pas pouvoir s'approvisionner. Certaines stations-service ont même dû fermer face à la pénurie d'essence. Dans la région du Havre, la mobilisation a pris de l'ampleur: deux raffineries étaient bloquées dans la matinée et la pénurie de carburants gagne. Dans le centre-ville, des pneus brûlaient. A Cherbourg, de premiers barrages ont été mis en place.

Sur le rail, la circulation des trains était perturbée pour la deuxième journée consécutive, affectant fortement certaines lignes régionales et moins l'Ile-de-France... avec très peu de grévistes.

Côté TGV, deux trois sur trois étaient prévus. Un appel à la grève des contrôleurs aériens devait légèrement affecter le trafic, notamment à Orly où 15% d'annulations préventives étaient prévues. Beaucoup d'agitations dispersées volontairement par la syndicratie et qui ne reflète pas du tout une détermination ouvrière majoritaire.
En fin de journée, une intersyndicale (cette coalition permanente des pompiers sociaux) doit fixer une nouvelle date de mobilisation. Adopté en première lecture après un recours à l'article 49-3 de la Constitution, le projet de loi instaure la primauté des accords d'entreprises sur les accords de branche, un foutage de gueule pour la majorité de la classe ouvrière1, suspendue aux feuilletonnistes bonzes.

On a fait tout un tintouin pour la voiture brûlée des policiers (minimisant que des manifestants s'étaient courageusement interposé pour défendre les policiers), dont les protagonistes sont "de jeunes militants d'extrême-gauche, issus de milieux plutôt favorisés", comme le note narquois Le Parisien, quand des commentaires se demandent si ce n'était pas en réalité des policiers déguisés tellement la mise en scène est grossière et filmée comme par hasard sous toutes les coutures.

Mais vous n'entendrez pas parler de la violence... patronale. une bagarre est survenue entre un patron et des chauffeurs routiers grévistes, au barrage qu'ils tenaient près du rond-point de la Belle Étoile à Carquefou, dans la région de Nantes. Les manifestants bloquaient le passage des camions quand le patron d'une entreprise de transports de Sainte-Luce a tenté de forcer le passage à plusieurs reprises. En descendant de son camion, il s'en est pris physiquement aux manifestants. En blessant deux d'entre-eux, conduits à l'hôpital, l'un des deux a le nez cassé. Ce chef d'entreprise est connu des forces de police, il devait être entendu par les gendarmes. Comme de bien entendu.


ARCHIVES MAXIMALISTES
1936 : le meurtre de Tahar Acherchour par son patron
L'INTERNATIONALE N°24 (5 décembre 1936)
revue de l'Union Communiste


FUNERAILLES SYMBOLIQUES


CELLES DU SUICIDé


Nous n'aurions pas éprouvé le besoin de parler de la triste fin de ce triste personnage si l'on n'avait pas exploité son suicide d'une façon ignoble.
Le prolétariat a été appelé à pleurer et béatifier un homme qui s'était acharné à le trahir. Et l'emprise des dirigeants ouvriers sur la masse est telle que celle-ci s'est laissé berner une fois de plus. De grandioses manifestations se sont déroulées à Lille, Paris et autres grandes villes de province, manifestations qui continuent celles des 14 juillet et 11 novembre 1935 et 1936.
Le pire est que des militants qui se prétendaient d'avant-garde se sont associés à la comédie. Les trotskystes ont pu écrire dans la « Lutte ouvrière » du 20 novembre que Salengro avait par son suicide capitulé devant le fascisme. Comme si le suicide d'un homme qui, selon la juste expression du « Libertaire », « s'époumonait à clamer son reniement du socialisme » n'était pas la conclusion lamentable d'une querelle répugnnate entre ennemis du prolétariat !
Un simple coup de chapeau devant le cadavre suffisait. Mais puisque les traîtres, qui dirigent la classe ouvrière ont exploité ce cadavre, nous nous devions de dénoncer leur infâme comédie, et particulièrement celle des staliniens qui , il y a quelques années, étaient les plus ardents à vilipender le social-traître Salengro.
CELLES DES VICTIMES DE ST CHAMAS
Funérailles officielles aussi, celles-là. La guerre qu'on prépare fébrilement a déjàa fait quelques dizaines de victimes. Les cadavres de ces travailleurs sacrifiés à la cause de notre impérialisme ont été exploités eux aussi pour mieux étouffer la colère que leur mort aurait pu susciter.
Et les chefs de la classe ouvrière se sont encore associés à la sinistre opération. C'est l'union sacrée qui a été réalisée autour des cercueils de ces travailleurs tués par l'impérialisme français. Dans le prolétariat indignement trompé, rares sont les militants qui sont capables actuellement de saisir toute l'infâmie de la trahison des dirigeants.
CELLES DE L'OUVRIER ACHERCHOUR
Pas de funérailles officielles pour cet ouvrier nord-africain tué par son patron dans les circonstances que nos connaissons tous. Quelques dizaines de milliers de travailleurs seulement sont venus rendre un dernier hommage à cette misérable victime du capitalisme, alors que le dimanche précédent c'est par des centaines de milliers qu'était célébrée la mémoire du traître Salengro.
On ne peut s'empêcher de comparer les deux cortèges, celui de l'ouvrier gréviste tué dans son usine au cours d'une occupation qui se prolongeait, et celui du ministre « socialiste » qui s'est supprimé parce qu'une fraction de la bourgeoisie mettait en doute les grands services qu'il avait rendus au capitalisme.
Derrière le cercueil de Tahar Acherchour, on a pu voir une grande partie du prolétariat le plus exploité, le plus misérable de la Région Parisienne. Les ouvriers des produits chimiques étaient particulièrement nombreux, ceux-là que le capitalisme exploite le plus durement, ceux-là qu'il use et tue, et qui jusqu'aux grèves de juin n'avaient encore jamais bougé. Parmi eux, il y avait des milliers de nord-africains venus saluer et accompagner la dépouille de leur camarade.
Mais de ce cortège, ne montaient que peur de cris et de chants de révolte. Quelques imprécations contre le fascisme, quelques « Blum à l'action ».
Quoi donc ? Acherchour n'est donc pas victime du capitalisme ? Et ce n'est donc plus la classe ouvrière qui doit agir, mais un Blum ? Faudra-t-il donc les millions de victimes de la prochaine guerre pour que la classe ouvrière comprenne que son ennemi est le régime capitaliste et qu'elle ne peut compter pour l'abattre que sur ses propres forces, sur sa seule action directe de masse.
Les dirigeants staliniens avaient délégué à ces funérailles quelques uns d'entre eux. Mais la lecture de « L'Humanité » montre bien que pour eux, il s'agissait d'utiliser cette mort d'un ouvrier pour des fins politiques opportunistes. D'ailleurs, c'est eux qui sont les plus acharnés à faire dévier la réaction ouvrière contre les crimes des capitalistes et de leur Etat, et la réduire à une agitation « contre le fascisme ».
Que le patron qui a tué Acherchour soit fasciste, c'est bien possible, mais c'est avant tout un patron. C'est un représentant du capital. Et lorsque les gardes mobiles chassent les ouvriers des usines occupées, lorsque les soldats font le travail des grévistes comme à Roubaix, est-ce le fascisme qui les a commandé ? C'est le gouvernement bourgeois de Front Poplaire, c'est ce même Blum dont les staliniens réclament l'action.
De ceux à qui le capitalisme confie les leviers de commande de l'Etat, il ne faut attendre qu'une action, celle qui tend à aggraver l'exploitation des travailleurs.



















1 Il ouvre aussi la possibilité de référendums d'entreprise, d'accords "offensifs", crée le compte personnel d'activité et étend la garantie jeunes. La CFDT et la CFTC jugent ce projet "équilibré" et porteur de "droits nouveaux" pour les salariés, selon Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. La CFE-CGC, traditionnellement classée du côté des syndicats réformistes, juge elle, ce texte "inquiétant" et parie sur le Sénat pour le faire évoluer (sic).



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